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15 septembre 2005 4 15 /09 /septembre /2005 00:00

LES RWAYS

  Extraits du livre de M. Rovsing Olsen, Chants et danses de l'Atlas, éd. Cité de la musique / Actes sud, 1997.

Composition de la troupe

Les rways (rays, au singulier : "chef", "maître") sont des ensembles de musiciens qui se produisent chez les Chleuhs auprès desquels ils ont acquis ces dernières décennies une immense popularité. Le poète-chanteur (rays) s'accompagne à la vièle monocorde, rribab, au timbre "aigre-doux" si particulier rappelant celui d'une flûte, auquel on ajoute le "grésillement de sable dû aux cordes de timbre et aux rangées de perles en verroterie qui agrémentent la table d'harmonie" (Chottin, 1933, 19). Il est accompagné par plusieurs joueurs de luth à trois ou quatre cordes (lotâr ou lginbri) et d'un joueur de cloche naqus auxquels s'ajoutent parfois des joueurs de tambours sur cadre allun et de nuiqsat. Les nuiqsat sont des petites cymbalettes en cuivre fixées (deux sur la main gauche, une sur la main droite) que les musiciens font entrechoquer tout en dansant. Jouées au début du siècle par des jeunes hommes à l'allure efféminée, les nuiqsat sont aujourd'hui l'apanage des danseuses raysat. Également chanteuses elles complètent en choeur les phrases mélodiques du rays. Certaines raysat se sont mises à leur compte, et ont gagné une grande popularité, en interprétant en solo des compositions créées parfois par leurs homologues masculins.

Il semblerait que les nuiqsat ne se soient pas toujours accompagnés de la vièle monocorde rrihab : l'introduction de cet instrument ne se serait produite qu'au début du XXe siècle (Chottin, 1933, 18). Le nombre de troupes, très important aujourd'hui, aurait été fort restreint à la fin du siècle dernier. Il aurait été fortement augmenté sous le protectorat français. Retenus parfois par des personnalités généreuses chez les caïds par exemple, certains rways occupaient alors une place comparable à celle de musiciens de cour (Chottin, 1933).

Les Chleuhs ont une forte tradition d'émigration masculine vers les villes du Maroc et d'Europe : certains rways vont se produire partout où se trouvent d'importantes colonies de Chleuhs, y compris en France, en Belgique ou en Allemagne. De nombreux chants ont pour thème l'émigration ou, selon une tradition bien ancrée, les lieux et les villes de leurs déambulations. Depuis près d'un siècle Marrakech et sa place Jama lfna sont un passage obligé pour ces troupes, où ils forment leur "cercle" de spectateurs (hâlqa), à côté d'autres cercles, de charmeurs de serpents, conteurs, devins, acrobates.

Poésie et musique

La poésie des rways, composée à partir de distiques, utilise des images du monde agricole, de la chasse, de la nature et les thèmes de l'amour déçu, de la religion ainsi que des commentaires sociaux. Les airs, inspirés des territoires d'origines des rways mais aussi de la musique militaire européenne ou de la musique arabo-andalouse, sont basés sur des échelles pentatoniques anhémitoniques pour la plupart, et se développent avec de nombreux sauts de quartes et de quintes en couvrant jusqu'à une octave et demie. La construction des phrases mélodiques (dont chacune correspond a un vers) est généralement formée de deux ou quatre fragments mélodiques parallèles (Schuyler, 1984, 93-94).

Le répertoire des rways est très changeant, de nouveaux airs le renouvellent chaque année. Autrefois l'un des membres de la troupe se rendait dans le Sud pour y recueillir des airs composés par des joueurs de flûte ou bien auprès des grands rways comme Lhajj Belaid qui fut le maître d'un grand nombre de rways (Chottin, 1933, 25).

Une séance à Marrakech

Chottin assiste a une "représentation" musicale de rways à Marrakech en 1913 au cours de laquelle il observe trois phases successives

- Une "sonnerie d'appel", destinée à faire venir les spectateurs. Elle est produite par une flûte et un tambour sur cadre ainsi qu'un naqus, morceau de fonte posé sur une babouche joué avec deux baguettes du même métal.

- Un "spectacle" en trois parties qui commence par un "prélude d'accord" ou astara (promenade) : le rays fait accorder les instruments tout en jouant. Le rays chante ensuite un chant non mesuré, accompagné de son rribab. Chaque phrase est reprise par le choeur qui s'accompagne au lginbri puis, lorsque le chant est bien "mûri", interviennent le naqus, les nuiqsat et la danse. La danse est cependant limitée a des "évolutions de marche" du choeur divisé en "deux rangs". La danse prend alors le pas sur le chant qui se tait. Les figures se compliquent "en cercle, en vis-à-vis, en tiroirs". C'est ici qu'interviennent les fameux "coups de talon", herd, et "les battements de pieds, tamerriqt-udar. Puis les figures évoluent en des attitudes telles que "génuflexion, arc complet en arrière, flexion en arrière avec jeté de la jambe". La danse culmine par un "tremblement d'épaules" : c'est "l'aspect le plus expressif de la danse, son moment critique, le reste n'étant que divertissement, jeu sans conséquence" (Chottin, 1938, 50). Cette partie se termine par un "salut final" entièrement gestué, et adressé surtout aux personnalités de l'auditoire.

- "Prière et quête." Les musiciens concluent mains tendues, comme un "livre ouvert", puis procèdent a la quête, accompagnés par le tambour.

La musique, le lieu et l’auditoire

La description de Chottin s'applique au déroulement d'une séance dans le cadre d'une ville, Marrakech. Mais les rways se produisent en de nombreux autres lieux. Leurs capacités d'adaptation a toutes sortes de lieux et leurs facultés de modifier leur répertoire selon l'auditoire ont été fort bien décrites par Schuyler (1984). La forme même de leur "performance" s'y prête particulièrement bien, puisqu'elle est composée de segments indépendants dont l'enchaînement et l'importance réciproques peuvent varier. La durée de l'ensemble peut ainsi selon l'occasion prendre des dimensions très variables.

Les rways puisent dans neuf "segments". La poésie chantée amarg, composée toujours d'une phrase mélodique répétée, est le seul segment. L"astara, prélude ou interlude instrumental dans un rythme non mesuré, est similaire au taqsim arabe. Le têbil, défini comme une "ouverture chorégraphiée", est une série de mélodies, jouées dans un rythme qui correspond généralement à un 4/4. La tamssust assure le passage entre les différents segments et les musiciens accélèrent le tempo. Le lâdrub (pluriel de ddêrb, "coup") accompagne la danse. Les musiciens puisent dans un stock de mélodies jouées en 6/8. Le qtaà est une formule cadencielle (d'où le terme qui signifie "coupure" en arabe) composée de quatre "cycles rythmiques" dans un tempo rapide. Le ti n-lhâlqt est la pulsation rapide jouée sur la cloche naqus (généralement pour attirer les spectateurs) qui peut aussi soutenir le prélude (ou l'interlude instrumental astara. Enfin deux segments verbaux s'ajoutent aux autres : la bouffonnerie mashkhara et la fathâ, prière et formule de voeux qui invoque la bénédiction de Dieu et est liée à la quête. La fathâ ne doit pas être confondue avec la fatihâ, première sourate du Coran qui clôt les séances.

Philip Schuyler observe des séances de rways en quatre lieux différents, le cercle hâlqa, la fête privée, l'établissement commercial, les médias électroniques, et définit pour chacun l'arrière-plan historique ou culturel de la situation, ainsi que le type d'auditoire (1984, 96). Il réussit à montrer les effets de ces facteurs sur les options musicales faites par les rways (1984). En fonction du lieu et de l'auditoire, les rways combinent les différents segments de différente manière, développant certains au détriment d'autres. Ainsi, dans les séances à l'extérieur, où les spectateurs se disposent en cercle autour de la troupe (d'où l'appellation hâlqa, "cercle" pour ces séances), la proximité de l'audience, chleuh en l'occurrence, a pour effet le développement du divertissement verbal (bouffonnerie) entrecoupé de nombreuses quêtes.

Dans les fêtes privées les parties musicales sont particulièrement développées. Ici les rways connaissent ou se renseignent sur les invités et sont en mesure de leur adresser à tour de rôle des chants de louange à la joie générale du public. Lorsque des choeurs de raysat font partie de la troupe, les parties dansées sont également très développées.

Les représentations des rways dans des établissements commerciaux (boîtes de nuit, restaurants pour touristes, théâtres sous les tentes, cinémas) ont quant à elles des effets divers sur les séances en fonction du degré de compréhension de la tashelhîyt. Lorsqu'il s'agit d'auditoires non chleuhs, la danse des raysat prend une place prépondérante au détriment du chant dont les paroles ne sont pas comprises.

L'enregistrement des rways sur disques ou cassettes supprime évidemment les parties qui ont un rapport avec l'auditoire et retient surtout la musique et le chant amarg. Les premiers enregistrements de rways sur disques dateraient de 1931. Réalisés à l'origine par des maisons de production françaises ou européennes, ils furent après l'indépendance en 1956 strictement locaux. L'enregistrement de disques et leur diffusion répétée a la radio est une source de prestige pour les rways, qui leur permet de s'imposer de façon plus permanente et de se faire inviter fréquemment. Dans les années 1975 l'introduction des lecteurs radiocassettes met un arrêt à la production de disques à cause des piratages qui se systématisent. Si des compagnies se lancent dans la production de cassettes légales, l'enregistrement personnel se propage aussi chez les gens et a pour conséquence que les rways s'autocensurent dans leurs paroles.

Aujourd'hui certains rways et raysat continuent la tradition grâce au support de cassettes audio mais aussi vidéo de grande diffusion, qui font retentir le débit rapide de leur chant du matin au soir dans les communautés chleuhs. Ces musiciens sont ainsi devenus un élément incontournable de la musique berbère.

Bibliographie

  • Alexis Chottin, Tableau de la musique marocaine. Librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1938.
  • Philip D. Schuyler, Rwais and ahwash: Opposing tendencies in Moroccan Berber music and society. The World of Music, vol. XXI, n°1 (1979)
  • Philip D. Schuyler, A repertory of ideas: The music of the rwais, Berber professionnal musicians from Southern Morocco. PhD, University of Washington, 1979.
  • Source: http://www.azawan.com/tachelhit/rwayes.htm
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00
Interview avec l’amazighizant le professeur Karl-G Prasse
Traduit de l'anglais par: Ali Amaniss

   

 Présentation  

Au moment où l’amazighité est au cœur d’un débat national, il est intéressant d’avoir des opinions neutres de scientifiques spécialistes du domaine de la linguistique amazighe et reconnus par les autorités scientifiques internationales dans le domaine. Le docteur Karl-G Prasse est une sommité mondiale dans le domaine du tamazight. Ses appréciations sont d’ordre scientifiques et loin de tout penchant idéologique en sachant bien évidemment que la science elle-même est en constante évolution et que les résultats d’aujourd’hui peuvent être corrigés, rectifiés, voire être supprimés, par les résultats des recherches de demain.

Cette interview avec l’amazighizant le Professeur Karl Prasse porte sur la langue et la culture amazighes. L’entretien a été conduit par Brahim Karada le 22/04/2000 (source : www.tawalt.com) et traduit de l’anglais par Ali Amaniss pendant le mois d’Octobre 2001.

 
Pour en savoir plus sur l’Université de Copenhague où Karl-G Prasse avait conduit ses recherches sur la domaine amazigh, visitez le site (http://www.ku.dk/english/).

 
L’interview 

 
Q: Voudriez-vous vous présentez, vous-même, à notre l’auditoire ?

 

Prof : Au début, je me suis formé comme égyptologue et j’avais commencé à étudier la linguistique générale et comparative à l’université de Copenhague. Après deux ans, j’avais changé mon orientation vers l’égyptologie et cette langue ne m’a pas beaucoup passionné. Par conséquent, j’avais commencé à suivre des cours sur d’autres langues de la même famille tels que l’hébreu, l’arabe, l’éthiopien et le tamazight. Elles appartiennent toutes à la grande famille linguistique chamito-sémitique (afro-asiatique). Finalement, j’avais passé une « soutenance en égyptologie » et je suis devenu gradé dans les arts, dans ce domaine-là.

 

L’examen final de ma thèse portait sur les noms en tamazight. C’est pour cette raison que ma carrière d’amazighizant avait débuté parce qu’à la suite de cela, je me suis spécialisé en tamazight, c’était une langue très intéressante et je l’ai étudiée. J’avais souhaité être capable d’enrichir les comparaisons des langues chamito-sémitiques. En 1953, j’avais passé une année en France où j’avais étudié avec le Professeur André Basset qui était le leader des études amazighes de l’époque et il m’avait donné un cours dans le parler du « Maroc Central » ainsi qu’une introduction au touareg. A la suite de mon diplôme de maîtrise, j’avais obtenu pour la première fois une bourse d’études pour étudier en France et en Afrique. C’était également la première fois, en 1958, que j’avais fait ma première rencontre avec le touareg au Hoggar dans l’oasis de Tamanrasset et j’avais réussi à montrer que les notations phonétiques de Charles de Foucauld n’étaient pas très correctes. Il était mon prédécesseur dans le domaine et il avait écrit un dictionnaire en quatre volumes qui était et reste excellent. Ses définitions de la signification des mots touarègues sont très exactes et son dictionnaire est très complet, mais j’avais pu voir que sa notation phonétique, notamment celle des voyelles, ne peut pas être correcte. Cependant, à l’époque je n’avais que trois mois pour commencer le travail et je n’avais pas obtenu assez d’argent pour payer les informateurs. En 1966, j’avais été invité à assister à la conférence UNISCO au Bamako, au Mali, dont l’objectif était de créer un alphabet pour écrire six langues locales différentes dans la région, incluant le Tamazight (Touareg). L’idée était de réunir un groupe de savants de ces langues afin de créer un alphabet commun pour écrire ces langues.

  Q : Les six langues ensemble ?

Prof : Oui. Toutes les six ensemble, et c’était ce que nous avons fait et ce fut l’époque pendant laquelle j’ai relevé ce qui n’allait pas dans la notation proposée par de Foucauld pour la langue touarègue. Il était devenu évident pour moi qu’il n’y avait pas uniquement une seule voyelle courte mais deux voyelles différentes que de Foucauld avait confondues. Plus tard, pendant la même année 1966, nous avions été invités à nous rendre à Niamey afin d’animer un séminaire pour former un certain nombre « d’alphabétiseurs » dans les langues locales en vue de lancer  une compagne littéraire pour apprendre en premier aux adultes puis commencer lentement des écoles expérimentales pour enfants. Cela signifiait que l’ont se devait d’être bilingue en enseignant le français et l’une des langues locales. Cependant, un grand problème était qu’il n’y avait pas assez de moyens financiers dans le système parce que l’UNESCO était une organisation culturelle et elle n’avait de l’argent que pour des raisons culturelles tandis que ce qu’il fallait faire était d’associer l’apprentissage des langues à un programme de création d’emploi pour les gens parce que s’ils n’obtiennent pas un emploi plus tard, ils ne pourraient pas voir la raison pour laquelle ils devraient apprendre à lire et à écrire.– Il est à noter que le Touareg avait déjà son propre alphabet, appelé l’écriture tifinagh, dont l’origine peut être retracée jusqu’à l’antiquité. Ils avaient naturellement exprimé leur souhaits d’apprendre le tifinagh, cependant cette idée n’avait jamais été acceptée car le gouvernement impliqué voulait une orthographe commune pour les six langues en utilisant les caractères latins qui sont facilement accessibles sur les machines à écrire et sur les imprimantes domestiques.- Dans l’ensemble, tout allait lentement et les écoles expérimentales pour enfants n’avaient jamais dépassé au-delà du stade expérimental. Cependant, je suis de temps en temps impliqué dans ces programmes en écrivant des rapports de mes idées à propos de la bonne l’orthographe ou en donnant d’autre conseils.

Il y a actuellement une Organisation en Allemagne qui va à Niamey en coopération avec l’INDRAP (Institut National de Documentation, de Recherche et d’Animation Pédagogiques) afin d’aider ces écoles. Leur principale tâche est d’aider à la création et à l’impression de manuels scolaires en touareg et dans d’autres langues, ainsi que pour former des enseignants bilingues. J’avais proposé de créer une école dans la région touarègue dans laquelle j’avais déjà soutenu un projet du savoir-faire avec l’aide de l’Organisation Non-Gouvernementale (ONG) danoise appelée « Genvej til udvikling » (solution pour le développement) située à Jütland. Je ne pouvais pas seul trouver les moyens financiers pour cela et mon ONG n’a pas pu non plus réussir jusqu’à maintenant. Ainsi, pour le moment, le projet demeure en attente, mais je continue d’espérer le lui survivre. 

Q : Vous savez sans doute que la relation entre la langue arabe et le tamazight est une relation compliquée, historiquement, politiquement et également linguistiquement. Il existe une école idéologique, financée par le gouvernement libyen, qui prétend être scientifique et qui travaille d’arrache pieds pour démontrer que le tamazight est une langue arabe ancienne. Elle a à sa tête le Dr. Ali Fahmi Khashim, un linguiste libyen. Il avait écrit un certain nombre de bouquins dans le domaine parmi lesquels il y a un livre récent intitulé « Le Livre du Tamazight arabe » et il avait déjà publié, avec l’aide des autres, un premier volume, qui est un dictionnaire du tamazight arabe. Étant donné que vous vous êtes spécialisé dans les deux langues, considérez-vous qu’il s’agit d’une même langue comme l’école officielle libyenne le prétend ?

Prof : Non. Il ne s’agit certainement pas de la même langue, mais il y a une relation entre elles. Elles appartiennent toutes les deux à la grande famille linguistique chamito-sémitique.

Q : Pourriez-vous nous donner une comparaison avec les langues indo-européennes pour mieux nous rendre compte de la différence entre l’arabe et le tamazight ?

Prof : Oui. Toute famille de langues peut être comparée à toute autre, et c’est le cas de la langue indo-européenne.

Q : Comment pourriez-vous décrire la distance entre l’arabe et tamazight ?

Prof : La famille linguistique chamito-sémitique comprend au minimum cinq branches différentes:

1.      Les langues sémitiques qui incluent l’hébreu, l’arabe, l’éthiopien et les langues akkadiennes anciennes (« le babylonien et l’assyrien ») parlées dans ce qui est aujourd’hui l’Irak moderne. Ces langues sémitiques sont intimement liées les unes aux autres. Vous pouvez presque toujours trouver chaque mot d’une langue dans les autres, cependant lorsque vous abordez les autres branches, la situation change. Par conséquent, seuls peu de mots du tamazight peuvent être identifiés à des mots des langues sémitiques.

2.      La langue égyptienne ancienne avec son stade final qui est le copte qu’on tente d’utiliser encore dans les Églises coptes. On dit qu’il existait encore des gens parlant le copte il y a 200 ans au sud de l’Égypte.

3.      La langue amazighe (ou le berbère) scindée au moins en trois branches, le touareg étant l’une d’elle.

4.       La quatrième branche de cette famille sont les langues couchitiques de l’Ethiopie (Abyssinie) dont la plus connue est la langue somalienne. La plus grande d’entre elles est cependant l’Oromo (ou le Galla comme les éthiopiens l’appellent.) Il y a environs 20 millions de locuteurs de l’Oromo, au moins. Ce qui la rend  la troisième  langue en Afrique. Seuls le Swahili et le Hawsa sont plus grands.

5.       La cinquième branche sont les langues chadiques en Afrique de l’Ouest et la mieux connue de cette famille est le Hawsa qui est une grande langue. Elle est une sorte de langue internationale utilisée dans les affaires commerciales et parlée par au moins 35 millions de personnes. Il y a 140 langues dans la branche chadique, cependant la plupart d’entre elles sont parlées uniquement par quelques centaines ou quelques milliers de personnes.

Toutes ces langues partagent un lien intime dans leur système grammatical  et dans leur système phonétique, cependant, comme je l’ai dit, il n’y a pas beaucoup de similitudes dans le vocabulaire entre les différentes branches. Il y a environs 300 mots du tamazight qui peuvent être encore retrouvés dans les autres branches du chamito-sémitique, en arabe par exemple. Par conséquent, la plupart des mots arabes que vous retrouvez dans le tamazight sont des emprunts ultérieurs. Néanmoins, cette relation signifie que dans des temps très reculés, toutes ces langues étaient une seule langue commune, que nous appelons le « proto-chamito-sémitique ». Par conséquent, il y a naturellement une relation, pas particulièrement entre l’arabe et le tamazight, mais entre le tamazight et le sémitique en général. De la même façon, les langues sémitiques elles-même peuvent être supposées n’être qu’une seule langue dans des temps lointains que nous pouvons reconstituer comme étant le proto-sémitique. En effet, chacun peut reconstituer une telle proto-langue avec beaucoup de succès et nous avons tenté de faire la même chose avec le tamazight, mais dans le cas du tamazight il n’y a pas encore beaucoup de progrès. Il reste encore beaucoup de chose à faire. Évidemment vous pouvez reconstituer la langue proto-berbère et la langue proto-chadique également. Et toutes ces proto-langues peuvent être extrapolées pour donner une seule langue proto-chamito-sémitique parlée dans un temps encore plus reculé.

C’est exactement la même situation que nous avons avec les langues indo-européenne, qui se sont aussi scindées en des branches différentes. Vous avez les langues indoues tels que l’Hindoustani, l’Ordo, qui sont très influencées par l’arabe, l’emprunts de mots parce qu’ils sont musulmans. Puis, il y a la Branche Iranienne, la branche slave avec le Russe, le Bulgare, le Polonais, le Serbo-croate, et les langues Romaines tels que le Français, l’Espagnol, l’Italien, le Portugais, le Romain. Dans ce dernier cas où nous savons maintenant les ancêtres originels qui est le Latin, c’est la proto-langue des langue Romaines.   

Q : Comme je sais maintenant que le tamazight et l’arabe dérivent de la même langue proto-chamito-sémitique, alors tamazight n’est pas une langue fille de la langue arabe mais une langue sœur, n’est-ce pas ? Autrement dit, le tamazight est-il une fille ou une sœur de l’arabe ?

Prof : Non. Vous ne pouvez vraiment pas dire qu’elle est une langue sœur de l’arabe. Elle est une sœur de la langue sémitique en général car quand l’arabe venait de naître, le tamazight était déjà une langue indépendante depuis longtemps.

Q : Voulez-vous dire que le tamazight est beaucoup plus ancien que l’arabe ?

Prof : Oui. Probablement.

Q : A propos des Imazighen, il y a des gens qui disent qu’ils sont venus du Yémen et qu’ils avaient apporté leur langue de la région arabique. 

Prof : Bon. Tout cela n’est que des hypothèses. Cela a quelque rapport à voir avec la question de savoir où la population proto-chamito-sémitique commune avait réellement vécu. Je pense que la plupart des gens croient que cela doit être près du sud caucasien dans la région entre la mer Caspienne et la mer Morte, et sa région du sud. Mais il y a des gens qui avaient proposé que la région d’origine de ces populations est le sud de la péninsule arabique ou peut-être en Afrique, en Abyssinie ou au Sahara Central, mais personnellement je suis sceptique quant à cette hypothèse.

Q : Actuellement, il y a trois façon d’écrire le tamazight : Avec l’alphabet latin, l’alphabet arabe et l’alphabet tifinagh, puis il y a beaucoup d’arguments que la quasi-totalité des intellectuels amazighs utilisent les caractères latins pour des raisons scientifiques et réalistes. Cependant, il y a des gens qui argumentent que c’est parce que les Imazighen sont influencés par la France, qu’ils sont devenus francophones et que l’on doit craindre que cela n’affecte pas l’apprentissage du Coran dans le futur. Toutefois, à votre avis, scientifiquement, quel est le système d’écriture le mieux approprié à tamazight ?

Prof : La chose la plus pratique à faire est d’adapter l’alphabet latin, parce que nous avons développé dans cet alphabet beaucoup de caractères spéciaux pour écrire de nombreuses langues différentes et cela n’a jamais été fait en arabe. Vous avez quelques lettres spéciales pour écrire le Persan, l’Afghani et ainsi de suite, mais vous n’avez pas en général une grande variété de signes consonantiques qui sont nécessaires pour être capable d’écrire le tamazight et quand vous désirez écrire le touareg, le problème est comment écrire les voyelles parce qu’en arabe vous avez accès à l’écriture de seulement trois voyelles longues différentes tandis que d’habitude, vous ne n’écrivez pas les voyelles courtes. En touareg, vous avez sept voyelles, cinq longues et deux courtes, par conséquent, comment allez-vous les écrire avec l’alphabet arabe ?

Vous savez peut-être que l’arabe dans son premier stade de langue n’écrivait pas systématiquement les voyelles longues. Naturellement, si vous avez une bonne connaissance du système grammatical, vous pouvez plus au moins deviner les voyelles, cependant il y a toujours des incertitudes quand vous lisez un texte arabe. En tamazight, ce problème sera encore plus difficile. Par conséquent, si vous voulez réellement rendre convenable l’alphabet arabe pour écrire le tamazight sans ambiguïté, vous devez créer plus de signe et les ajouter à cet alphabet.  

Q : Ne pensez-vous pas que le tifinagh peut être utilisé pour écrire le tamazight ?

Prof : C’est le même problème : Vous devez créer au moins sept voyelles et les ajouter à l’alphabet.

Q : Mais les Touarègues avaient utilisé le tifinagh pendant très longtemps pour écrire leur langue !

Prof : Oui, mais je ne sais pas si vous êtes au courant du comment cela marche. C’est très difficiles à utiliser. Ils l’utilisent uniquement pour de courtes inscriptions sur les armes et les bijoux ou pour de courts messages, et ils sont en réalité incapables de lire de longs textes. C’est une opération pénible pour eux que de lire de longs textes. Ils doivent lire et relire jusqu’à obtenir la signification, et cela ne peut pas être idéal pour une transcription efficace.

Q : Mais, voulez-vous dire qu’il n’y a pas de problème en écrivant avec les caractères latins ?

Prof :  Bon. Parce que les lettres nécessaires ont été déjà crées depuis longtemps, le problème est d’une portée très limitée. Nous les utilisons quotidiennement pour les transcriptions phonétiques ainsi que dans les différentes langues modernes. Vous savez que le français à ses accents. Vous avez des lettres Umlaut en allemand, trois voyelles que vous écrivez avec deux points au dessus. Vous faites la même chose avec le suédois ; en danois, nous avons crée des lettres spéciales telles que æ et ø.

Et vous avez naturellement un problème pratique, si vous voulez écrire en tifinagh, vous aurez à  fabriquer des machines à écrire et les fontes pour les imprimantes qui ont les caractères nécessaires et pour ce faire cela coûtera cher. En effet, tout est devenu actuellement plus facile parce que nous pouvons utiliser les ordinateurs pour créer ces lettres, mais il reste un petit problème qui est de faire fonctionner ensemble plusieurs alphabets sur un ordinateur. En effet, si je le veux, je peux créer mon propre alphabet personnel sur mon propre ordinateur, un alphabet que personne ne comprendra.

Q : Actuellement il y a en tamazight un problème de différences dialectales, de différences phonétiques de certains mots. Comment allez-vous résoudre ces problèmes en utilisant spécialement les caractères latin ?

Prof : Bon. Ce n’est pas un problème de transcription. C’est un problème de la création d’une langue commune. Si vous voulez surmonter les différences dialectales, vous devez créer d’une manière ou d’une autre une langue amazighe standard et cela n’a rien à avoir avec son écriture. 

Q : Est-ce que le tamazight avait influencé les dialectes arabes locaux dans les pays de l’Afrique du Nord ?

Prof : Certainement, notamment au Maroc et en Algérie parce que les dialectes du tamazight dans ces régions possèdent un système réduit de voyelles avec en réalité trois voyelles. Toutes les voyelles courtes avaient disparues. Je pense que c’est à cause de l’influence du tamazight que les dialectes arabes maghrébins ont également un système réduit de voyelles en comparaison avec l’arabe standard. Et par conséquent certains mots amazighs sont passés dans l’arabe local comme mots empruntés, bien que c’est beaucoup plus fréquent encore dans l’autre sens.

Q : Il y a en effet une initiative de standardisation de la langue amazighe afin de dispenser des cours sous tous ses dialectes. Quels sont vos commentaires ?

Prof : Oui. Il est très possible de la standardiser, mais cela prendra du temps, des efforts et coûtera beaucoup d’argent, parce que cela doit être fait convenablement par des savants et naturellement le temps que cela prendra avant que les gens l’adoptent.

Q : Quand vous dites, beaucoup de temps, que voulez-vous dire par là ?

Prof : Une génération au  moins.

Q : Je suppose que cela a été le cas du danois, de l’anglais, du français…et de toutes ces langues.

Prof : Bien sûr.

Q : Il y a un problème identitaire en Afrique du Nord, cela a-t-il un rapport quelconque avec la langue utilisée ?  

Prof : Bon. Les Imazighen doivent avoir la possibilité d’apprendre leur propre langue, cela est évident. Par exemple au Maroc, plus de la moitié de la population est amazighe, par conséquent, vous ne pouvez pas prendre leur identité et la leur enlever tout simplement.

Q : Pourtant, ces pays sont considérés comme des pays arabes, ils sont montrés comme étant des pays arabes…C’est un grand problème.

Prof : Mais personne ne peut les appeler des pays amazighs, quelqu’un le peut-il ?… Ils ont avant tout la religion musulmane en commun.  

Q : Y a-t-il une influence des langues européennes sur la langue amazighe en Afrique du Nord ?

Prof : Il y a naturellement beaucoup d’emprunts de mots des langues européennes, notamment du français en tamazight. Mais il n’y a aucune relation génériques entre elles et il n’y avait pas eu un contact suffisamment long pour influencer la structure du tamazight.

Q : Dans la dernière Constitution algérienne de 1996, l’identité nationale algérienne est définie comme une identité ayant trois dimensions : L’Islam, l’arabe et le tamazight alors que les Marocains avaient omis de faire une chose similaire au cours du dernier référendum… En Libye, par exemple, sur les pages de l’Internet, il y a beaucoup de discussions sur l’identité des libyens. Sont-ils arabes ou quels sont les arabes…De nombreuses questions tournent autour de l’identité et nous. Certains Imazighen pensent qu’une dimension amazighe doit être ajoutée à l’identité libyenne. La plupart des Imazighen pensent que nous sommes des africains ou des méditerranéens plutôt que des asiatiques tandis que beaucoup d’arabes pensent qu’ils sont plutôt des asiatiques…

Prof : …Premièrement, on croit que la langue amazighe et les Imazighen modernes doivent être été venus de l’Est dans un temps reculé dans le passé. C’est peut-être 8000 ans avant notre ère, il y a 10000 ans. C’est-à-dire lorsque les industries de l’âge néolithique commençaient et cela ressemble à ce que vous avez au Moyen-Orient.

Q : Mais les Européens étaient venus, eux aussi, de l’Est !

Prof : Oui, en effet…Nous sommes tous venus de l’Afrique en fin de compte…Mais si on prend en considération les temps modernes, nous devons dire que les Arabes qui avaient envahi l’Afrique du Nord constituent, peut-être, 10 % de la population. Tous les autres qui parlent la langue arabe sont des Imazighen arabisés.

Q : A votre avis, pourquoi les Arabes réussirent-ils à amener les Imazighen à parler l’arabe alors que d’autres avaient échoué de le faire, tels les Romains, les Turcs… ?

Prof : Bon. Les Arabes avaient apporté l’Islam avec eux et ils pouvaient convaincre les autres peuples que la langue arabe était et reste la langue sacrée propre à Dieu. Par conséquent, la langue arabe a un prestige spécial parmi les musulmans. Mais à part cela, l’arabisation était un lent processus qui avait duré des centaines d’années. Dans certains autres pays comme la Turquie et l’Iran, les Arabes avaient moins de succès tandis que les Égyptiens aveint renoncé à leur langue copte beaucoup plus complètement que les Imazighen avaient renoncé à la leur.

Q : Les Libyens actuellement sont en train de se préparer à l’établissement d’un système éducatif pour leurs enfants s’ils ont la chance de l’implanter dans l’avenir. Que pensez-vous de cette idée ?

Prof : Bon. Seul le gouvernement libyen peut faire cela. Si le gouvernement permet l’implantation de tels programmes, alors le problème est réglé.

Q : Pourquoi avez-vous choisi le touareg spécialement et quels sont vos récentes publications et livres ?

Prof : Bon. Je me suis spécialisé en touareg parce qu’il convient le plus à la comparaison avec les autres langues de la famille chamito-sémitique. Il avait conservé de nombreux mots authentiques amazighs par rapport aux Imazighen du Nord et son système phonétique est plus anciennement façonné. J’avais publié beaucoup d’ouvrages sur tamazight, notamment sur le touareg. Un travail comprends deux volumes de poèmes touarègues, un autre trois volumes une grammaire complète du touareg algérien. En ce qui concerne le tamazight libyen, seul peu de savants avaient écrit là-dessus, et la plupart étaient des italiens. 

Enfin, nous vous remercions d’avoir consacré de votre temps pour cet entretien.     

  Source:  http://membres.lycos.fr/tawiza/TAWIZA56/Prasse.htm
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

BIBLIOGRAPHIE

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Revues et Logiciels

REVUE ASAGHEN - LIEN, n° 1. 1978. - Publication de l'Union du peuple amazigh.

REVUE TIFINAGH, Revue de culture et de civilisation Maghrébine. Publiée à Rabat sous la dir. d'Ouzzin AHERDAN.

TAFSUT, 1990. - n° 14 pour la proposition de S. Chaker.

AFUS DEG WFUS. - Logiciel de Tifinagh développé par l'association portant le même nom.

RIF 2000. Logiciel développé par Arabia Ware Benelux. Utrecht - Pays-Bas.

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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

Comment écrire et lire le tifinagh

L'unité dans la diversité est décidément l'aspect majeur de tout ce qui se rapporte à l'amazighité. Le fond commun est incontestablement unifié mais les réalisations divergent selon les régions et selon les parlers. Nous avons pu le consatater dans les systèmes graphiques, que ça soit entre le libyque oriental et le libyque occidental, entre les différents systèmes graphiques touarègues et au sein des systèmes des néo-tifinagh d'aujourd'hui. Cette diversité n'est pas hasardeuse. Elle reflète en grande partie des variations régionales. Certaines de ces variations ont atteint un degré de phonologisation, d'autres sont prédictibles car conditionnées par le contexte (le cas de la spirantisation)

Prenons le cas du rifain pour illustrer nos propos.  Le rifain est un parler amazigh parlé au nord et au nord-est du Maroc. Il a subi de nombreux processus affectant son système consonantique et vocalique. Ci-dessous certains de ces processus. Les formes rifaines sont comparées avec les mêmes mots attestés en chleuh :
  1. Changement de /l/ en /r/ 
chleuh rifain gloss
ils irs langue
awal awar parole
  1. Élision de la voyelle /a/
chleuh rifain gloss
afus fus main
adâr : genou
  1. Élision de /r/
chleuh rifain gloss
asrdun asadun mulet
tasirt tseat meule
  1. Changement de /lt/ en /tc/
chleuh rifain gloss
ultma utcma ma soeur
taqbilt taqbitc tribu
  1. Changement de /ll/ en /dj/
chleuh rifain gloss
illi idji ma fille
illa idja il existe

Le cas du rifain, par ses différentes variations, est un exemple parfait de ce que nous souhaitons développer : tifinagh face aux variations attestées dans chaque parler. Autrement dit est-ce que c'est tifinagh qui doit s'adapter à ces variations ou plutôt le contraire. Prenons le processus (5) illustré ci-dessus. Doit-on noter la forme sous-jacente /illi/, attestée comme telle dans la plupart des parlers amazighs, comme "illi" ou plutôt, pour refléter la variation rifaine, comme "idji". La réponse n'est pas aussi simple que cela peut paraître. Il est clair que dans un souci de conformité avec tous les parlers amazighs, la première solution semble la plus adéquate. Cette solution a en plus l'avantage de nous épargner une invention d'un autre signe (dans ce cas précis, il ne s'agit pas d'une invention à proprement dit mais plutôt d'une reprise du signe qui désignait la consonne /s/ en libyque). Le même problème se pose aussi pour le processus (4), doit-on écrire utcma ou ultma ? Ces problèmes se posent quelle que soit la graphie adoptée, arabe, latine ou tifinagh. Notre objectif est de souligner ces problèmes, nous n'avons pas la prétention d'en apporter des solutions dans ce travail. D'autres travaux sont plus à même de proposer des solutions adéquates. C'est le cas de la table ronde tenue à Utrecht en 1996 " Vers une standardisation de l'écriture berbère (Tarifit) : Implication théorique et solutions pratiques " qui faisait suite aux solutions avancées dans les ateliers "Problèmes en suspens de la notation usuelle à base latine du berbère" organisés en juin 1996 par l'Inalco. Un autre colloque international a traité de ce sujet, il s'agit de la table ronde "Enseignement, apprentissage de l'amazigh : expériences, problématiques et perspectives" organisée le mois de juillet 1996 par l'Université d'Eté d'Agadir.

À quelques variations près, les différents tableaux des néo-tifinagh sont identiques et peuvent facilement s'adapter aux parlers de chacun.  En attendant une prise en charge institutionnelle et officielle, seule capable d'imposer un tableau standard et une norme, nous pouvons d'ores et déjà vous présenter quelques règles d'écriture plus ou moins adoptées par les différents acteurs du mouvement amazigh :

  • L'écriture se fait de gauche à droite et les mots s'écrivent comme ils se prononcent. Un blanc sépare les mots.

  • La tension ou la gémination qui distingue entre le /m/ des formes suivantes par exemple :

imi "bouche" immi "ma mère"

est notée par le doublement de la lettre, sauf pour la consonne /n/ auquel cas un chapeau est noté au dessus (pour éviter la confusion avec la lettre /l/.)

  • La ponctuation est notée comme dans la majorité des langues (. , ; : ! ?). Les majuscules ne sont notées que dans la version développée dans le logiciel d'Arabia Ware Benelux (téléchargeable sur leur site http://www.arabiaware.com)

  • Les voyelles /a/ et /u/ sont placées au milieu de la ligne d'écriture pour éviter la confusion avec les signes de ponctuation (. et :)

  • Pour noter les variations régionales, deux solutions sont envisageables ; soit recourir aux caractères disponibles dans les différentes versions des néo-tifinagh. Mais nous avons montré plus haut que cette solution surcharge inutilement le répertoire alphabétique. La deuxième solution est d'utiliser des signes diacritiques pour noter la spirantisation des consonnes occlusives, par exemple (un trait souscrit). S. Chaker (1995 : 35) propose des diacritiques (un point souscrit) pour noter la pharyngalisation conditionnée. La pharyngalisation ou l'emphase, caractérise les consonnes suivantes dans la représentation phonologique : /t/, /d/, /z/. L'emphase ne se limite pas à la consonne emphatique sous-jacente, mais s'étend aux sons voisins. Tout son apparaissant au voisinage d'une emphatique peut être emphatisé. Ainsi /tadinga/  "la vague" se réalise !tadinga [8]. S'agissant donc d'une propagation conditionnée, il suffirait de distinguer les pharyngales sous-jacentes, ce qui est le cas puisqu'elles sont notées par des signes distincts en tifinagh, et connaître la règle pour réaliser une prononciation correcte. Les pharyngales /l/, /s/ , /j/ et /r/ n'ont aucun signe correspondant ni en libyque, ni en saharien et ni en tifinagh touarègue. La raison de l'absence de ces signes est due à la pertinence très faible de ces consonnes, attestées surtout dans les formes empruntées à l'arabe / !ssif/  "été" / !ullah/ "par Dieu", / !rbbi/ "Dieu". La seule paire minimale que nous avons pu relever attestant d'un staut pertinent de la pharyngale /j/ est la suivante :

/ijja/ "Il sent bon"   / !ijja/  "Il sent mauvais"
  • La labiovélarisation est la réalisation de certaines vélaires avec une co-articulation labiale. C'est un phénomène très largement répandu en berbère. Seul le touarègue l'ignore totalement. Dans la notation à base latine, les labiovélaires sont représentées par une lettre accompagnée soit d'un "w" ou d'un "°" en exposant au-dessus de la ligne d'écriture. Les labiovélaires attestées en berbère sont les sonores /g°/, /R°/ et les sourdes /k°/, /x°/ et /q°/. /b°/ est aussi attesté en kabyle. Vu l'importance de noter ces consonnes d'une manière distincte, car il en va des sens des mots, comme pour les formes suivantes attestées en chleuh :

ar itgga "il met"   ar itgg°a  "il lave les vêtements"
Ri "ici"   R°i "tiens"
ik°ti "il se rappelle"   ikti "la colline"


Il serait préférable, puisque c’est largement répandu et utilisé, de s'aligner sur l'usage de la notation latine en faisant suivre les vélaires labialisées d'un exposant "°".

  • Les ligatures, usage touarègue traditionnel, ne sont pas utilisées en néo-tifinagh.
  • Quand les lettres /l/ et /n/ se suivent la lettre /n/ est penchée (solution proposée par S. Chaker (1994 - 41) C'est le cas pour les formes " luln " (ils sont nés) ou " nlla " (nous existons), par exemple. Il est vrai que ce problème ne se pose pas pour ceux qui notent le schwa qu'il suffirait d'insérer entre les deux signes.
Source: http://www.mondeberbere.com/langue/tifinagh/tifinagh_commentlire.htm
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

Les différents systèmes d'écriture amazighe

L'alphabet amazighe a subi des modifications et des variations inévitables depuis son origine jusqu'à nos jours. Du libyque jusqu'au néo-tifinagh en passant par le tifinagh saharien et les tifinagh touarègues, nous retraçons ci-dessous les aspects les plus importants de chacune de ces étapes.

Le Libyque
  • Il y a deux formes du libyque, l'oriental et l'occidental ;
  • La forme occidentale a été utilisée le long de la côte méditérrannéenne de la Kabylie jusqu'au Maroc et aux Îles Canaries. La forme orientale a été utilisée dans le Constantinois, en Aurès et en Tunisie ;
  • Seule la forme orientale a été déchiffrée grâce notamment à l'existence d'importantes inscriptions bilingues punico-libyques. Ce déchiffrement a permis de déterminer la valeur de 22 signes sur 24 ;
  • Selon Février (1964-65), la forme occidentale serait plus primitive, la forme orientale étant influencée par l'écriture punique ;
  • L'alphabet libyque est strictement consonantique
  • La gémination n'était pas notée ;
  • La forme occidentale comporte 13 lettres supplémentaires ;
  • Les inscriptions sont souvent des dédicaces ou epitaphes. La plupart sont brèves ;
  • Le sens de l'écriture n'est pas fixé (mais c'est plus souvent verticalement de bas en haut). Chaque ligne constitue un mot phonétique ou un sens complet ;
  • Une minorité de lettres permettaient de déterminer le début de la ligne. Ces lettres sont appelées lettres directrices ou signes directeurs ;
  • Une hypothèse a été avancée que certaines lettres seraient secondaires par rapport à d'autres.
Le tifinagh saharien
  • Il est aussi appelé libyco-berbère ou touarègue ancien ;
  • Il contient des signes supplémentaires ;
  • Un trait vertical pour noter la voyelle finale /a/ ;
  • Il est utilisé pour transcrire le tourègue ancien mais ces inscriptions sont incomprises ;
  • L'âge des inscriptions les plus récentes est peut-être de quelques 200 ans ;
  • Les modalités du passage entre le libyque et le tifinagh saharien sont inconnues. Le tifinagh saharien était-il contemporain des formes libyques ? Doit-on le comaper au libyque accidental ou oriental ? A quelle période correspond l'utilisation de cet alphabet, avant l'arrivée des Arabes, juste après ou longtemps après ? Ces questions demeurent sans réponse pour l'instant.
  • La valeur des signes du tifinagh saharien nous est transmise par P. de Foucauld.

Pour en savoir plus sur le tifinagh saharien, voir Théodore Monod - 1932. L'Adrar Ahnet pp. 135-139. et Maurice

Reygasse - 1932. Contribution à l'étude des gravures rupestres et inscriptions tifinagh du Sahara central, Cinquantenaire Faculté Lettres Alger pp. 437-534 (cités dans Prasse 72)

tableau 1 : cliquer sur le tableau pour agrandir
Le tifinagh touarègue
  • Il existe au sein du tifinagh touarègue quelques divergences des valeurs des signes qui correspondent aux variations dialectales touarègues. Si d'une région à une autre, la forme et le nombre des signes peuvent changer, les textes restent en général mutuellement intelligibles car la plupart des différences graphiques suivent la logique des variations phonétiques dialectales.
  • L'innovation la plus frappante est la ligature à dernière consonnes /t/ ou à première consonne /n/ ;
  • Comme pour le saharien, le tifinagh touarègue dispose d'un signe /./ pour noter les voyelles finales appelées Tighratin (masc. Tighrit). Pour le Hoggar, le Ghat et Adrar, ce signe ne s'emlpoie que pour la voyelle /a/. Les voyelles /i/ et /u/ sont notées par les signes corresponadant aux /y/ et /w/. Les autres dialectes l'emploient pour toutes les voyelles finales et, selon P. de Foucauld, pour toutes les voyelles initiales sans destinction
  • Parmi les tribus maraboutiques de la région de Tombouctou, on a relevé l'emploi des diacritiques arabes pour noter les voyelles brèves ;
  • Usage : A part quelques rares utilisations pour la notation de textes longs, les tifinagh touarègues ont souvent été utilisés pour des inscriptions sur des objets (bijoux, armes, tapis, etc.), pour des déclarations amoureuses et pour des épitaphes. Toute transcription commence par la formule awa näk (c'est moi) + nom + innân (qui a dit).
  • Il semblerait qu'un homme sur trois et une femme sur deux l'écrivent sans hésitation. Depuis peu, les tifinagh sont utilisés comme support pédagogique pour la compagne contre l'analphabétisme.        
  • Les lettres sont épelées de différentes façons suivant les régions :
  • Dans le Ghat : /b/ : yab ; /d/ : yad ; etc.
  • Dans l'Ayer et chez les Iwelmaden : /b/ : ab ; /d/ : ad ; etc.
  • Dans le Sud : /b/ : abba ; /d/ : adda ; etc.
  • Il n'y a pas d'ordre pour énoncer les lettres de l'alphabet. Mais une formule mnémotechnique, citée par Foucauld (1920), contient toutes les lettres ou presque : awa näk, Fadîmata ult ughnis, aghebbir nnit ur itweddis, taggalt nnit märaw iyesân d sedîs : " C'est moi, Fadimata, fille d'Oughnis : sa hanche ne se touche pas, sa dot est de seize chevaux "   
Les Néo-tifinagh

Les néo-tifinagh désignent surtout le système d'écriture développé par l'Académie berbère (AB) sur la base des tifinagh touarègues à la fin des années 60 et largement diffusé au Maroc et en Algérie et surtout en Kabylie. Mais cette terminologie englobe aussi quelques autres systèmes d'écriture venus développer ou pour certains corriger les quelques imperfections du système de l'Académie Berbère. C'est le cas surtout de la proposition faite par S. Chaker (v. Tafsut. 1990 n° 14.) Les autres systèmes sont à quelques différences près identiques au système de l'AB (rapportez-vous au tableau 2. pour constater ces variations)

Dans ce qui suit nous proposons une étude détaillée de ces différents alphabets, l'objectif est de mettre à votre disposition une vue globale de ces systèmes (grâce notamment à un tableau les récapitulant) et de souligner les possibilités de dégager un système standard utilisable pour tous les parlers amazighs.

La renaissance de l'alphabet amazigh en Afrique du Nord est incontestablement due au travail énorme accompli par l'AB (Agraw Imazighen). Cette association formée par des jeunes militants amazighs (kabyles en grande partie) installés à Paris a largement diffusé l'alphabet tifinagh en Algérie et au Maroc. Depuis, l'engouement de la jeune génération pour cet héritage très valorisant n'a jamais cessé. Le point fort de l'initiative de l'AB est donc d'avoir fait renaître cet alphabet sur les terres qui l'ont vu naître il y a plus de 2500 ans [4] et de l'avoir largement diffusé ce qui a créé une sorte de standardisation ; le même système a été utilisé pour transcrire aussi bien le chleuh, le kabyle que le rifain. Mais ces avantages indélébiles ne doivent pas masquer les quelques imperfections que contient cette nouvelle version. En effet, comme l'a bien résumé S. Chaker (1994 - 33) : "…, il a manqué aux néo-tifinagh tout le travail de réflexion phonologique" En plus d'un manque d'une réelle base phonologique au travail de l'AB, un autre point mérite d'être souligné. L'AB, confronté aux variations au sein des tifinagh touarègues, au manque de deux voyelles et à la dominance des pointillés, a inventé certains signes qui n'ont aucune base historique (L'élaboration de ces signes est souvent faite en reliant les pointillés) L'AB a ainsi inventé les signes correspondant aux consonnes suivantes /dj/, /tc/, /k/, /R/, /q/, /x/, /w/, etc. Elle a abandonné les ligatures et a commencé à marquer la tension.

L'aspect principal qui doit être respecté quant à l'adoption d'un système d'écriture est de refléter d'une manière simple le système phonologique d'une langue donnée. Par système phonologique, nous entendons l'ensemble des consonnes et voyelles d'une langue qui ont un statut pertinent pour distinguer entre deux formes. Autrement dit, un système d'écriture pour le français par exemple doit différencier entre les deux consonnes /p/ et /b/ puisque la substitution d'une des ces consonnes par l'autre changerait totalement le sens d'un mot : par ≠ bar. Par contre, cette même langue n'a pas besoin de deux signes pour distinguer entre le /r/ de "Très" qui est une uvulaire sourde et le /r/ de "grave" qui est sonore. L'alphabet n'est pas tenu de refléter cette différence et de surcharger l'inventaire alphabétique de la langue puisque cette différence est conditionnée par le contexte. Il ne s'agit donc pas de deux phonèmes mais plutôt de deux allophones d'un même phonème /R/. Ces réflexions d'ordre phonologique, entre autres, n'ont malheureusement pas été prises en considération par l'AB ce qui a créé un système alphabétique surchargé. Ainsi a-t-il noté les spirantes /t/, /d/, /k/ et /g/ et les affriquées /tch/ et /dj/ qui, pour un système phonologique commun à tous les parlers amazighs, n'ont pas lieu d'être. La spirantisation et l'affrication de certaines consonnes sont des variations régionales (rifain et kabyle, par exemple) souvent conditionnées par le contexte et qui n'ont qu'une pertinence très faible même au sein de ces parlers. Le système alphabétique amazigh peut donc s'en passer sans risque d'incompréhension.

Comme nous l'avons précisé plus haut, la tradition alphabétique amazighe ne notait pas les voyelles. Elle notait secondairement la voyelle /a/ en fin d'énoncé. Les signes adoptés par les nouveaux systèmes notaient normalement les semi-voyelles /y/ et /w/. D'autres signes ont été inventés pour désigner ces mêmes semi-voyelles. Cette confusion reflète paradoxalement le caractère spécifique des vocoïdes berbères. En berbère, comme c'est le cas en chleuh, mis à part la voyelle /a/, les vocoïdes /I/ et /U/ sont réalisés comme des  voyelles /i/ et /u/ s'ils sont syllabiques et comme des semi-voyelles /y/ et /w/ s'ils n'occupent pas le noyau de la syllabe. Ainsi, le vocoïde /I/ est réalisé dans la forme suivante :             

                        /Ig°na/              >          [ig°na]                         Il a cousu

comme une voyelle /i/. Mais il se réalise comme une semi-voyelle /y/ dans la même forme précédée d'une voyelle :

                        /ma Ig°na/        >          [ma yg°na]                   Qu'est-ce qu'il a cousu ?

Mais doit-on pour autant ignorer ces deux différentes réalisations contextuelles dans le système graphique amazigh ? Allons-nous simplifier l'alphabet amazigh si nous optons pour les deux mêmes signes pour noter aussi bien les voyelles que les semi-voyelles correspondantes ? À l'évidence, la réponse est négative. D'autres considérations peuvent et doivent être prises en considération. Imaginons la forme suivante avec quatre vocoïdes adjacents " IIUId " (Il a ramené) où le premier et le troisième vocoïde se réalisent comme des semi-voyelles /y/ et /w/ respectivement et le deuxième et le quatrième comme la voyelle /i/. Il serait plus facile pour le lecteur de réaliser la bonne prononciation si nous notons les semi-voyelles avec des signes différents de ceux des voyelles et ainsi avoir la réalisation attestée : "yiwid". Cela rendrait le découpage moins laborieux. S. Chaker (1994 - 34) propose pour noter les voyelles et les semi-voyelles de jouer sur les variantes graphiques libyque/tifinagh. Cette solution nous semble parfaitement adéquate, elle a l'avantage de refléter une certaine ambiguïté inhérente aux vocoïdes berbères et de nous empêcher d'inventer des signes qui n'ont aucune assise historique.

tableau 2 : cliquer sur le tableau pour agrandir

Le schwa /e/ est une autre voyelle avec un statut très particulier. Est-ce que le schwa existe en berbère ? Pour répondre à cette question, il faudra au préalable définir ce que nous entendons par berbère. S'il s'agit de l'ensemble des parlers amazighs, la réponse dépendra alors du parler en question. Le schwa existe en kabyle et en rifain mais pas en chleuh [5]. Si par berbère, nous entendons l'inventaire phonologique commun à tous les parlers, la réponse est à l'évidence non. Aussi, si notre objectif est de dégager un système pan berbère, nous pouvons nous débarrasser de ce "lubrifiant phonétique" sans risque majeure. Le verbe "débarrasser" est employé à dessein. En effet, l'adoption du schwa poserait beaucoup plus de problèmes qu'elle apportera de solutions. D'abord, aucune tradition pré-néo-tifinagh n'a noté cette voyelle. Deuxièmement, le signe choisi part l'AB /÷/ désignait en libyque oriental et occidental les consonnes /R/ et /q/ (v. Tableau1.). S'ajoute à cela un autre handicap majeur. Le schwa, même au sein des parlers où il existe, n'a aucun statut phonologique et sa présence est très instable.

Il y a bien évidemment d'autres aspects concernant la notation à base de tifinagh : l'emphase, l'assimilation, la labiovélarisation, l'état d'annexion. Mais ces aspects ne concernent pas uniquement le tifinagh. Ils doivent être traités quelle que soit la nature des caractères adoptés : arabes, latins ou amazighs. Nous reviendrons sur quelques uns de ces processus plus bas.

Nos remarques sur la notation en néo-tifinagh font suite à d’autres propositions établies par des linguistes et des chercheurs et doivent servir comme base de réflexion pour dégager un alphabet standard qui devra être utilisé pour écrire dans tous les parlers amazighs. Nous avons déjà soumis une grande partie de ces réflexions au "Comité provisoire pour la standardisation de l'alphabet amazigh", dont nous faisions partie. Malheureusement cette organisation n'a pas pu continuer ses travaux. Les objectifs qu'elle avait affichés restent donc toujours à l'ordre du jour.

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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

Le déchiffrement de l'alphabet Tifinagh

Toutes les inscriptions connues, au nombre de 1125, sont réunies dans un corpus dû à Chabot (1940). Beaucoup ont été découvertes à la suite des recherches de M. Rodary (v. Chaker 1984) Les plus importantes sont les inscriptions monumentales de Dougga en Tunisie qui contenaient beaucoup de noms propres et de titres.

L'alphabet tifinagh renferme des informations précieuses sur l'état de la langue berbère d'il y a plus de 2000 ans. Pourtant, malgré des dizaines d'années de recherches beaucoup de ces inscriptions demeurent pour l'essentiel indéchiffrées. Pourquoi ? D'après Salem Chaker (1984 ; 246-258), plusieurs raisons ont en effet empêché les chercheurs à aboutir à un déchiffrement complet des inscriptions libyco-berbères. Certaines de ces raisons sont liées à la nature même de l'alphabet, d'autres sont plutôt d'ordre géographique et linguistique. Nous en reproduisons quelques unes ci-dessous :

  • La rareté des travaux sur cet alphabet (deux travaux essentiels Chabot 1940 et L. Galand 1966)
  • L'alphabet libyco-berbère ne notait pas les voyelles.
  • La distance énorme entre le libyco-berbère et la langue berbère d'aujourd'hui (deux millénaires)
  • le lexique berbère est mal connu par les chercheurs.
  • Les recherches sont en grande partie menées par des chercheurs non berbérisants. En effet, pour aboutir à des résultats satisfaisants, la collaboration d'équipes pluri-disciplinaires est essentielle : berbérisants, archéologues, sémitisants, spécialiste de l'épigraphie latine et punique, historien et protohistoriens…

Malgré ces difficultés, plusieurs recherches ont abouti à des déchiffrements qui nous renseignent sur l'état de la langue amazighe d'il y'a 2000 ans.

La parenté libyque-berbère

La question principale à laquelle les chercheurs ont essayé de répondre en déchiffrant l'alphabet amazigh est la suivante : Y a-t-il une parenté entre le libyque parlé il y a plus de deux milles ans et le berbère d'aujourd'hui ? La question de la parenté libyque-berbère a suscité beaucoup de débat. Etant devant un alphabet difficilement déchiffrable, certains en ont conclut que la langue dans laquelle sont écrites ces inscriptions a totalement disparu et contestent donc toute parenté entre le libyque et le berbère. Mais, citant Gabriel Camps (1980 - 276) :" Si le libyque n'est pas une forme ancienne du berbère, on ne voit pas quand et comment le berbère se serait constitué ". Au delà de cet "argument négatif ", on peut prendre à témoin pour établir la parenté du libyque et du berbère "toutes les données historiques : la toponymie, l'onomastique, le lexique ainsi que le témoignage des auteurs arabes" (ibid) Pour prouver la parenté libyque-berbère, Marcy (1936) part non plus du punique, ni même du latin, mais du berbère, en prenant comme référence de base les racines bilitères et trilitères du touarègue, le parler amazigh le mieux conservé et le mieux décrit. Il est ainsi parvenu à déchiffrer plusieurs textes libyques et à les traduire intégralement en français.

Les résultats des déchiffrements

Seule la forme orientale a été déchiffrée grâce notamment à l'existence d'importantes inscriptions bilingues punico-libyques. Ce déchiffrement a permis de déterminer la valeur de 22 signes sur 24. Les résultats dont les chercheurs disposent, aussi maigres soient-ils, suffisent à prouver la parenté libyque-berbère (v. J. G. Février (1956), K. Prasse (1972)). Ce sont les ressemblances dans les mots outils et les morphèmes qui amènent à une telle affirmation. Et parmi elles, les plus importantes pièces sont constituées par la double présence des prépositions n (de) et d (avec, et), un trait inconnu à n'importe quelle autre langue que le berbère et le tchado-chamitique (haoussa), associée de l'existence de w (fils) et wlt (fille).

Ci-dessous quelques affixes et mots déchiffrés ayant un pendant berbère (notons que les voyelles n'étaient pas transcrites en libyque). Ces exemples sont tirés de Prasse (1972)

 

Libyque

Berbère [2]

Glossaire

gld

agllid

roi

skn

taskawt

construction

w

w

fils de

wlt

wlt

fille

zlh [3]

uzzal

fer

ysh

yusa

arriver

sqr

asghar

bois

s / ns

s / nnes

son / leur

d

d

préposition : et /avec

n

n

préposition : de

s

as

lorsque

n

n

désinence du pluriel des noms et des verbes. argaz : pl. : irgazn : homme(s)

s

s

préfixe causatif. sgawr : faire asseoir

m

m

préfixe des adjectifs verbaux ; amxxar : voleur

y

y

préfixe de la 3e personne masculin singulier des verbes ; yusad : il est venu

t

t

préfixe de la 3e personne féminin singulier des verbes ; tusad : elle est venue

t

t

affixes des noms féminins ; t-amazigh-t (femme berbère)

 

Le système phonologique atteste aussi de la parenté libyque-berbère (v. K. Prasse (1972) pour plus de détail.)

Source: http://www.mondeberbere.com/langue/tifinagh/tifinagh_dechiffrement.htm

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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

La date de l'apparition de Tifinagh

Là aussi, quelques hypothèses cohabitent en attendant d'autres travaux. La seule certitude nous vient d'une inscription qui porte une date : celle du temple du roi amazigh Massinissa qui attribue la construction du temple à l'an 10 du règne de ce roi ; c.-à-d. 139 ans avant notre ère. Pour certains, les transcriptions libyco-berbères commencent à apparaître vers 150 ans avant notre ère et s'étend sur une période de quelques 600 à 700 ans. Mais cette date bute sur une objection de taille. Etant devant un alphabet déjà perfectionné - celui du temple de Massinissa - il est tout à fait normal de supposer une certaine période de développement qui ne peut être atteint en 11 ans. Camps (1978) remonte la date de l'apparition de Tifinagh au moins jusqu'au VI siècle avant J.C.

L'évolution de Tifinagh
  • Officialisation chez les rois Massinissa et Micipsa pendant leurs règnes ;
  • Usage maintenu jusqu'à la période romaine (mentionné chez les auteurs latins tardifs : Fulgence le mythographe, Corippus, etc.)
  • Disparition de l'Afrique septentrional à l'arrivée des Arabes. Aucun texte arabe n'a mentionné cette écriture.
  • Son maintien chez les Touarègues jusqu'à nos jours ;
  • Sa renaissance au début des années 70 chez les Berbères d'Afrique du Nord (surtout d'Algérie et du Maroc)
Source: http://www.mondeberbere.com/langue/tifinagh/tifinagh_apparition.htm
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

Quelle est l'origine de cet alphabet ?

La question des origines est décidément soulevée à chaque fois qu'il s'agit des Amazighs. On s'est d'abord interrogé sur l'origine du peuple. Cela a ouvert le champ à certaines hypothèses invraisemblables, initiées surtout pour des fins idéologiques. L'alphabet tifinagh n'a pas échappé à cette question récurrente. Plusieurs hypothèses ont été avancées.

Les ancêtres des Berbères, les Libyens, mot qui vient de "Libou" par lequel les Egyptiens les désignaient, disposaient d'un alphabet à un moment où la plupart des autres peuples n'en avaient pas ou n'utilisaient que des systèmes hiéroglyphiques ou au plus syllabiques. La question a donc été soulevée pour savoir d'où leur vient cet alphabet. Certains seraient tentés de voir dans cette interrogation une manière implicite de sous-entendre que rien ou presque n'est typiquement amazigh ou d'Afrique du Nord. Et s'il s'agit tout simplement d'une invention berbère ? Les Amazighs, surtout au Maroc, certainement excédés par cette recherche éternelle d'une origine extérieure à tout ce qui se rapporte au domaine berbère, ont développé une version fréquemment citée pour consacrer l'origine autochtone de cet alphabet. Pour eux, Tifinagh est un mot composé de "Tifi" qui signifie trouvaille ou découverte et de l'adjectif possessif "nnagh" qui signifie notre. Tifinagh voudrait donc dire notre trouvaille ou notre découverte. Cette interprétation simpliste et très probablement éronnée ne tient pas compte des variations régionales et de l'évolution de la langue amazighe ; le berbère d'il y'a plus de 2500 ans n'est certainement plus le même que le chleuh ou le kabyle parlés actuellement. Ci-après, nous exposons les hypothèses les pus fréquemment soulevées.

Origine inconnue ?

Cité par Prasse (1972), M. Cohen (La grande invention de l'écriture et son évolution (1958)), conclut que l'origine de l'alphabet tifinagh reste inconnue. Selon lui, toutes les tentatives de le dériver des hiéroglyphes égyptiens, des alphabets sudarabique, grec, ibérique, voire phénicien-punique, n'ont pas réussi à fournir la preuve décisive.

Origine phénicienne ?

Selon Hanoteau, le nom même de l'alphabet amazigh trahit son origine phénicienne. Tifinagh est un nom féminin pluriel dont le singulier serait tafniqt : la phénicienne.

Cette hypothèse est largement partagée par les berbérisants. Ainsi, pour Salem Chaker (1984), "L'alphabet Tifinagh est très certainement d'origine phénicienne, comme la quasi totalité des systèmes alphabétiques existants." Plusieurs raisons ont poussé S. Chaker à considérer que l'alphabet tifinagh est d'origine punique :

- Le nom tifinagh : ce mot vient de la racine /fnq/ qui désigne les phéniciens en sémitique. L'alternance q / gh [1] est une alternance morphologique très fortement attestée en berbère, le cas de la construction de l'intensif en est l'exemple : negh --- neqqa "tuer".

- L'usage de tifinagh s'est surtout développé dans les régions d'Afrique du Nord qui ont connu une influence punique.

- L'orientation originelle est abandonnée au profit d'une pratique épigraphique punique (i.e. horizontal de droite à gauche remplace l'usage courant i.e. vertical)

- Il n'existe aucune tradition pré-alphabétique qui permettrait d'envisager sérieusement l'hypothèse d'une formation autochtone.

Origine autochtone influencée par le punique ?

Ch. Higounet (1986) estime que les Amazighs n'auraient emprunté aux Carthaginois que le principe de l'écriture alphabétique : quant aux caractères, certains auraient été empruntés d'autres puisés dans un fonds local des signes symboliques.

Origine autochtone ?

Plusieurs chercheurs cependant contestent l'origine phénicienne. (St Gsell (1956), J. G. Février (1956), Friedrich (1966)). L'hypothèse punique bute en effet sur plusieurs objections. D'une part, selon Gsell (1956), il est fort probable que les "Phéniciens" ne se soient pas donnés eux-mêmes le nom de "Phéniciens", par lequel les Grecs les désignaient. L'exemple des Amazighs désignés par un autre nom par les Romains - Barbarus d'où est dérivé le mot "berbère" - soutient cette analyse. La deuxième objection émane de la comparaison entre les deux alphabets et qui montre très peu de ressemblance entre le tifinagh et le phénicien. C'est notamment l'absence de notation de voyelles initiales en berbère, le très peu de lettres identiques (6 lettres) et les différentes dispositions des deux écritures (horizontalement et de droite à gauche pour le punique et verticalement et de bas en haut pour le tifinagh) qui ont conduit à douter de cette origine.

Selon St. Gsell (cité par Khettouch 1996 : 58) "Des figures élémentaires semblables aux lettres de l'alphabet libyque apparaissent déjà, mélangées à des animaux, sur des gravures rupestres relevées un peu partout en Afrique du Nord et antérieures au premier millénaire avant J.C." Selon le même auteur, ces écritures pourraient être le résultat de l'évolution d'un système pictographique où des images seraient devenues des signes phonétiques. La date de l'apparition de ces figures exclut le lien entre le libyque et le punique. Même constat pour Gabriel Camps (1968 - pp 47 : 60) : le libyque est anté-punique et rien ne prouve que son alphabet a été importé. J. Friedrich (1966), de son côte, soutient que l'alphabet berbère est une soeur de l'alphabet sémitique plutôt qu'un descendant emprunté.

Quelle conclusion ?

Faute de preuves inéluctables, nous ne pouvons soutenir une hypothèse au profit d'une autre. Il est évident que le sentiment identitaire nous pousserait à adopter et défendre l'origine autochtone. Mais la rigueur scientifique et la raison nous obligent à attendre d'autres travaux sur l'alphabet amazigh pour trancher cette question. Le libyque est un domaine très peu investi, un champ d'investigation très large où beaucoup de recherches spécialisées restent à faire. Seule conclusion incontestable : les Amazighs disposaient d'un système d'écriture à une époque où plusieurs cultures en étaient encore au stade pré-historique.

Source: http://www.mondeberbere.com/langue/tifinagh/tifinagh_origine.htm

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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

La plus ancienne écriture de l'Afrique du Nord, le lybique, a plus de 3000 ans d'âge*

Par Malika HACHID**



"Notre écriture à nous, en Ahaggar est une écriture de nomades parce qu'elle est tout en bâtons qui sont les jambes de tous les troupeaux. Jambes d'hommes, jambes de méhara, de zébus, de gazelles, tout ce qui parcourt le désert. ét puis les croix disent si tu vas à droite ou à gauche. ét les points, tu vois, il y a beaucoup de points. Ce sont les étoiles pour nous conduire la nuit, parce que nous, les Sahariens, nous ne connaissons que la route, la route qui a pour guide, tour à tour, le soleil puis les étoiles. ét nous partons de notre coeur, et nous tournons autour de lui en cercles de plus en plus grands, pour enlacer les autres coeurs dans un cercle de vie, comme l'horizon autour de ton troupeau et de toi-même."
DASSINE OULT YEMMA, musicienne et poétesse de l'Ahaggar.


Nul doute que l'apparition de l'écriture soit un événement majeur. Ici aussi, comme pour le métal, son apparition dans l'art rupestre est bien plus précoce qu'on ne le croyait et qu'il n'a été partout écrit. C'est donc une plus grande ancienneté que nous allons défendre, mais aussi l'idée d'une origine autochtone de l'écriture des Paléoberbères, indépendante de l'écriture phénicienne ou de sa variante punique auxquelles on l'a souvent liée. L'hypothèse d'une genèse locale de cette écriture n'a rien de nouveau ni d'original, plusieurs linguistes ayant depuis longtemps défendu cette thèse bien avant nous, une thèse à laquelle nous avions tenté d'apporter de nouveaux éléments lorsque nous avons étudié les gravures rupestres de l'Atlas saharien, notamment la Période libyco-berbère de cet art (Hachid M.1992).

Nous versons, ici, au dossier, des inscriptions que nous avons recueillies au Tassili et dans la Tadrart Acacus: nous les considérons comme les plus anciennes inscriptions libyques que l'on connaisse, peut-être même comme les premières manifestations de cette écriture.

La question de l'origine du libyque se présente sous trois aspects: cette écriture est soit un emprunt à l'alphabet Phénicien, soit une invention locale, ou encore un emprunt à un prototype fort ancien que l'on ne connaît pas encore. Qu'il y ait eu ensuite des contacts et des échanges entre le libyque et le phénicien, le punique ou autres écritures, est une chose tout à fait possible, notamment en ce qui concerne l'invention de l'alphabet.

Avant d'aborder les éléments en faveur, ou défaveur, de l'une ou l'autre de ces trois hypothèses, voyons d'abord l'écriture elle-même.

Les caractères libyques, d'une simple et délicate géométrie non cursive, constituent une des plus anciennes écritures connues au monde, la première et la seule écriture autochtone d'Afrique du Nord. Comme pour les Libyens, le terme "libyque" vient du nom de la Libye, terme par lequel les Grecs désignaient l'Afrique. Le lybique dans lequel s'exprimaient et écrivaient les premiers Berbères figure aux côtés des autres langues énigmatiques de notre Terre comme celle dite "linéaire A" de Crète, ou celle de l'île de Pâques. Si la persévérance permet de plus en plus de déchiffrer les glyphes mayas, pourtant si complexes, le libyque ancien attend toujours son Champollion, lequel, dès 1838, préfaçant le Dictionnaire de la langue berbère de Venture de Paradis, établissait déjà une parenté entre la langue berbère et l'égyptien ancien.

Malgré la forme moderne du libyque, les tifinagh, que les Touaregs sont les seuls parmi les Berbères à avoir conservés, malgré l'inscription bilingue en punique et libyque du temple de Dougga (Tunisie), datée de l'an 138 ou 139 avant notre ère (10e année de Micipsa, roi des Numides), qui a permis de transcrire l'alphabet libyque oriental, malgré les quelque 1200 inscriptions publiées dont la majorité provient du pays massyle, berceau de la Numidie berbère (Camps G. 1996, p. 2564), sans compter toutes celles qui ont été peintes et gravées sur les rochers du Sahara - les plus mal connues - la langue des Paléoberbères reste indéchiffrée, même si on connaît la valeur d'une partie de ses signes! A l'heure où les paléo-linguistes retrouvent et reconstituent des langues mortes qui remontent à la préhistoire en comparant les langues qui en sont issues, on ne sait pas encore lire le libyque!

On s'est passionné pour le punique ou le grec, mais pas pour le libyque, et ce désintérêt est déjà fort ancien. Ni Hérodote, ni Pline, ni Shabon n'ont daigné faire quelque commentaire sur cette langue, une langue dont la répartition géographique est pourtant vertigineuse: du Nil occidental et de la Nubie, à l'est, jusqu'aux îles Canaries à l'ouest et de la Méditerranée au Sahel. Une inscription sur bois, objet rare, l'inscription du chajasco d'él Hoyo de los Muertos, découverte dans l'île de él Hierro dans l'archipel canarien, qui daterait du Xe siècle, est constituée de l3 signes qui ont été rapprochés des alphabets libyques de l'ouest de l'Afirique du Nord ou des alphabets touaregs! (Cuscoy D. et Galand L.1975).

L'élite dominante protoberbère de la Préhistoire, puis paléoberbère, en étendant sa souveraineté à toute l'Afrique du Nord, confère un tel prestige à sa langue que seule celle-ci sera parlée au Sahara avant l'arrivée de l'hébreu et de l'arabe.

Si le berbère a fait disparaître les langues qui l'ont précédé au Sahara - comme l'expansion indo-européenne a fait disparaître les langues antérieures, dont le basque reste le cas le plus spectaculaire (Basques qui, malgré les millénaires de métissage, ont gardé certaines particularités génétiques, comme le plus haut pourcentage mondial du gène codant le rhésus négatif) -, il est très probable que des populations résiduelles mises en servage ou en esclavage ont longtemps continué de parler le nilo-saharien ou le niger-kordofanien dans leurs oasis avant que ces parlers soient à leur tour absorbés par le berbère. Pourtant, le complexe de supériorité du nord se manifeste déjà: seul, un auteur africain, Fulgence, au Ve siècle, précise que l'alphabet libyque compte 23 signes, tandis qu'au siècle suivant, Corippe, du haut de la civilisation qu'il représente, évoque cette langue pour nous en dire du... mal. Strabon, Diodore de Sicile, parlant du célèbre oracle d'Ammon de l'oasis de Siwa, décrivent la cérémonie durant laquelle l'image du dieu était portée dans une procession à travers l'oasis suivie de femmes chantant "[...] des hymnes grossiers dans la langue libyenne.". Quant à Salluste, c'est à peine s'il fait remarquer que les Numides parlent une autre langue que celle des Phéniciens.

On sait par l'histoire que la première occurrence du mot "barbare" se trouve chez Homère, dans l'Iliade. élle désigne plus exactement le langage des Cariens peuple asiatique lié aux Troyens. Selon Homère, les Cariens sont "barbarophones" c'est-à-dire ceux qui parlent mal leur propre langue. Parler en barbare c'est parler en borborygmes. Le redoublement, considéré comme grotesque, de la première syllabe (bar-bar) désigne celui qui parle mal jusqu'à sa propre langue. Plus tard, chez Platon et Aristote, les Barbares seront ceux qui sont étrangers à la langue de la civilisation, le grec, bien sûr. Montaigne se montre plus objectif en disant que "Chacun appelle "barbarie" ce qui n'est pas de son usage".

Ces auteurs grecs et romains, si dédaigneux de la langue des Libyens, ne pouvaient pas savoir que leur langue mère, le proto-indo-européen, était apparu il y a 6 000 ans seulement, alors que l'afrasien remonte au moins à 17 000 ans, que le français, l'italien, l'espagnol, le roumain, langues romanes, dérivent de la langue latine parlée dans l'Empire il y a 2 000 ans, alors que le berbère s'est probablement individualisé avec les Protoberbères, il y a environ 8 000 à 7 000 ans. Le mépris des cultures, ou des pays dominants, ne datent finalement pas d'aujourd'hui.

Les spécialistes déplorent que les inscriptions sahariennes soient courtes et pauvres, qu'elles se limitent à des souhaits, des avertissements, des déclarations amoureuses, des indications sur une piste, un point d'eau, un abri-refuge. Le corpus du libyque est presque entièrement constitué des inscriptions recueillies en Numidie (Tunisie septentrionale et Algérie orientale) et dans les Mauritanies césarienne et tingitane (Algérie centrale et occidentale et Maroc septentrional), c'est-à-dire au Maghreb. Mais si on s'attelait à recenser et déchiffrer ces innombrables inscriptions sahariennes - et surtout les plus anciennes qui accompagnent les chars -, ne découvrirait-on pas un jour qu'un chroniqueur rupestre a peint quelque message significatif, peut-être même le nom de l'Egypte, des Peuples de la mer ou de Carthage?

On sait donc que le libyque appartient à la famille afrasienne comme l'égyptien et le sémitique. L'écriture est alphabétique et consonantique, elle se lit généralement du bas vers le haut quoique sa disposition et son orientation soient très libres et même fantaisistes, dessinant parfois de jolis boustrophédons. La difficulté de son déchiffrement réside dans la complexité de sa structure: la non séparation des mots, la non notation des voyelles dont la fonction dans le texte est de surcroît diversifiée... Imaginez que vous ayez à lire, sans connaître la langue, un texte en allemand où les mots ne sont pas séparés, sans aucune voyelle, avec la possibilité de mettre à la place de la voyelle non énoncée aussi bien un a, un i ou un o! Lionel Galand, qui, depuis de fort nombreuses années, tente d'élucider cette écriture rebelle, donne le meilleur et le plus humoristique des exemples pour illustrer ces difficultés en écrivant: IIECOII = "ltmbl" pourrait être traduit par "elle est aimable", "l'automobile", ou encore "il tue ma belle" (Galand L 1991, p. 56)! Sans compter l'évolution que l'écriture a nécessairement connue, à l'instar de celle qui sépare le français actuel de celui des temps médiévaux, par exemple.

Longtemps, les linguistes ont considéré qu'il existait dans l'Antiquité trois alphabets libyques qui se différenciaient par le nombre de leurs lettres et leur répartition géographique. Le premier était dit oriental, le second occidental et le troisième, saharien. Mais il semble que la réalité soit bien plus complexe: "On a longtemps considéré qu'il y avait un alphabet "oriental" pour la partie est du domaine et un alphabet "occidental". Cette dichotomie commode ne correspond pas, en fait, à la réalité [...] et, comme l'a montré Lionel Galand, "il faut renoncer à tracer une limite géographique précise entre les deux alphabets qui sont comme autant de facettes d'une culture" - alphabets qui correspondent vraisemblablement à des états de langue aussi variés pour ces époques anciennes qu'ils le sont aujourd'hui" (Aghali-Zakara M. et Droutin J. 1997, p.101). Le terme générique "libyque", le berbère de l'Antiquité, recouvrirait donc différents alphabets ayant des caractéristiques communes mais dont l'expansion, dans l'espace et dans le temps, a abouti à la diversification d'une partie des signes et de leur valeur. Selon ces mêmes auteurs: "A part quelques manifestations tardives, la pratique de cette écriture a disparu au nord de l'Afrique, vraisemblablement à la fin de la domination romaine, vers le Ve siècle après J.-C." (idem, p. 102). On sait effectivement que cette écriture ne s'est conservée que dans le groupe des Berbères Touaregs du Sahara et du Sahel. Mais, s'agissant du nord de l'Afrique, notamment de l'Atlas saharien, il existe des inscriptions qui, d'après le contexte, sont postérieures à la période romaine: nous pensons donc que la pratique de l'écriture berbère, en tous les cas dans l'Atlas saharien, s'est conservée bien après la période romaine.

C'est à peine si les sources classiques accordaient aux alphabets occidental et oriental, considérés comme contemporains, une ancienneté remontant au IIIe ou IIe siècle avant J. -C., bien que la supposition qu'ils soient bien plus anciens ait aussi été défendue. En effet, à Tiddis, en Algérie orientale, la datation d'une sépulture contenant des poteries, dont l'une portait des caractères libyques, indiquait qu'une plus grande ancienneté était possible. Plusieurs stèles portant des inscriptions libyques se situaient entre le IIIe siècle avant et le Ve après J. -C.

C'est un document rupestre qui devait mettre en garde les spécialistes sur une plus grande antiquité possible du libyque. A Azib n'Ikkis, dans le Yagour (Haut Atlas marocain) se trouve une gravure représentant un cartouche anthropomorphe dans lequel s'inscrivent quinze à seize caractères libyques (Hachid M. 1992, t. 2, fig. 257). Le contexte iconographique de cette gravure, notamment un grand nombre d'armes métalliques, faisait remonter l'ensemble à l'âge du Bronze. Se basant sur le contexte archéologique, Gabriel Camps en déduisit que cette inscription pouvait être bien antérieure aux VIIe-Ve siècles avant notre ère (Camps G. 1996).
Signalons que, depuis, cette inscription a été gravement détériorée par une main vandale qui a, en quelques minutes, détruit un document archéologique fondamental et des millénaires d'histoire. Nous devrions, chercheurs maghrébins que nous sommes, avec les spécialistes et les autorités responsables du patrimoine, contribuer à protéger ces précieux témoins.


L'ancienne thèse de l'existence de trois alphabets localisait le troisième dans la Berbérie présaharienne et saharienne, territoire des Gétules et des Garamantes. C'est celui qui nous intéresse ici et c'est malheureusement le plus mal connu et le plus mal situé dans la chronologie. De plus, on sait aujourd'hui que les inscriptions sahariennes se divisent à leur tour en plusieurs alphabets quasi régionaux. Au Sahara central, plus exactement à Djerma, au Fezzan, les fouilles ont révélé des amphores gravées de caractères d'écriture datés du Ie siècle de notre ère. A Bu Njem, en Tripolitaine, on possède les preuves archéologiques que les Garamantes possédaient un alphabet particulier au IIe siècle de notre ère. On sait par le mausolée du personnage dit de "Tin Hinan", à Abalessa (Ahaggar), où des blocs ayant servi à la construction portaient des inscriptions interrompues par leur débitage, que les tifinagh récents peuvent remonter au moins au Ve siècle de notre ère, date à laquelle fut érigé cet important édifice funéraire.
Cela donne donc aux tifinagh anciens une plus grande ancienneté que celle qu'on leur prêtait au départ et les fait très vraisemblablement contemporains des autres "écritures libyques du nord" (Gabriel Camps).

Les Touaregs attribuent l'invention de leur écriture à un héros fondateur, Amamellen (qui signifie "celui qui possède la clarté") ou Aniguran (se traduisant par "proverbe ou énigme, étant compris"), héros fondateur de la culture touarègue. Il s'agit de ces nombreux tifinagh qui "marquent le moindre relief du Sahara et qui commencent par: nek, c'est-à-dire par les lettres I = ien et :- = iek, qui veulent dire "Moi, un tel...". Les Touaregs arrivent à en épeler la plupart des caractères quoiqu'ils n'en comprennent pas toujours le sens et que quelques-uns des signes aient aujourd'hui disparu. Ces tifinagh, bien sûr, annoncent les tifinagh récents en usage aujourd'hui, et qui commencent par le traditionnel: awa nek (c'est moi un tel...).

Henri Lhote pensait que les inscriptions sahariennes se divisaient en trois groupes. Les tifinagh les plus anciens apparaissaient dans un contexte caballin uniquement, avec des gravures de chevaux et des cavaliers bitriangulaire à plumes, tenant un bouclier rond et portant un couteau-pendant de bras; ils commençaient par : = ieh, 0 = ier, = (?) et étaient intraduisibles. On se demande quelle est la relation entre cette formule usitée au Tassili et en Ahaggar, et celle, relativement répandue dans l'Adrar des Ifoghas, l 'Adrar Ahnet et l'Aïr, qui comporte aussi les deux premières lettres (ieh et ier), mais dont la troisième diffère, l'ensemble signifiant "Je suis à la trace de...", suivi généralement d'un nom propre féminin. C'est le personnage que cet étage reproduit qui correspondrait donc à Amamellen. Le deuxième groupe identifié par Henri Lhote se constituait de caractères introduisant les tifinagh actuels puisque les Touaregs arrivent à les traduire partiellement; ces dernières apparaissent dans un contexte camelin et débutent souvent par la formule traditionnelle : = iaou, l = ien, :- = iek, qui signifie: awa nek, "C'est moi...". énfin, les tifinagh actuels formaient le troisième groupe. Le fait que ces inscriptions soient lues entièrement, partiellement, ou qu'elles échappent à tout déchiffrement est significatif de la variété des signes et de leur évolution à travers le temps. S'agissant des innombrables inscriptions rupestres du Sahara, il est tout à fait vrai que leur déchiffrement ne sera "[...] rendu possible que par des recensements systématiques et une comparaison méthodique des textes bien localisés" (Aghali-Zakaria M. et Drouin J. 1997, p.102). C'est en ce moment l'objectif d'un groupe de chercheurs de l'Ecole pratique des hautes études, au seins du Recueil des Inscriptions libyco-berbères.

La série chronologique d'Henri Lhote doit aujourd'hui être corrigée, du moins dans sa partie initiale. Comme nous allons le voir, le premier groupe n'est pas le plus ancien, sachant que les premiers caractères d'écriture qui apparaissent au Sahara central sont des signes libyques, peints et associés au peuplement bien défini des Paléoberbères dans un contexte animalier où la girafe existait encore au Tassili. Un élément semble toutefois bien établi: les tifinagh anciens figurent dans un contexte exclusivement caballin, avant que le dromadaire n'apparaisse au Sahara.

Le terme "tifinagh" est le pluriel de tafinek (dans le système phonologique du berbère, gh et q sont les allophones d'un même phonème). Il pouvait signifier "les phéniciennes ou les puniques" (Punica): c'est sur cette base étymologique que l'on a admis que l'alphabet libyque s'était inspiré en partie ou en totalité du système d'écriture punique, d'autant que, on le sait, six de ses lettres ont une forme tout à fait similaire à ce dernier. Cet argument étymologique pour prouver l'origine punique du libyque est loin d'être convaincant et a très bien été réfuté par Gabriel Camps qui rappelle que "[...] les chiffres arabes sont persans et les figues de Barbarie, américaines"!

D'autres explications étymologiques possibles du terme tifinagh ont récemment été proposées par Salem Chaker. La première est qu'il existe dans l'Adrar des Ifoghas un verbe "efne" qui signifie écrire. La seconde est que la racine FNQ est contenue dans l'une des dénominations du coffre domestique kabyle: afniq. Sachant que ces coffres ont été utilisés en guise de cercueil dans l'Antiquité punique et libyque, Salem Chaker se demande: "[...] l'emprunt punique supposé n'est-il pas d'abord une influence au niveau des rites funéraires? ét le terme tifinagh n'aurait-il pas d'abord signifié pour les Berbères "les épitaphes", dont la pratique aurait été empruntée aux Puniques, plutôt que "les phéniciennes/puniques"? (Chaker S. et Hachi S. 1999, p.10). Si l'existence d'un verbe qui signifie "écrire" en berbère est fort intéressante, un emprunt du terme "épitaphe" en punique nous apparaît plutôt tardif, sachant qu'à cette date l'écriture libyque est déjà constituée, comme nous allons essayer de le démontrer.

Pour tenter une évaluation chronologique de la période à laquelle les caractères du libyque ont pu être mis au point, dans l'optique d'une genèse locale, nous basant bien sûr sur les données que la linguistique a recueillies sur la nature de cette écriture, nous ferons aussi appel à des éléments archéologiques et historiques. La première question que nous nous posons est de savoir si le libyque ne pourrait pas être aussi ancien que le phénicien lui-même ou le punique, assez pour que l'on puisse proposer que ses lettres ne puissent en dériver!

On attribue l'invention de l'alphabet aux Phéniciens vers l300/l200 ans avant J.-C., mais on sait aujourd'hui que le principe de l'alphabet est né bien avant. L'alphabet phénicien se répand vers 1000 avant J.-C. en Méditerranée et vers l'Asie, porté par l'activité du négoce et les nécessaires contacts entre les royaumes et les peuples. C'est ainsi qu'entre autres peuples de la Méditerranée orientale, il est adopté par les Grecs vers 800 ans avant J.-C. Cette hypothèse voudrait donc que les groupes paléoberbères en aient fait autant. Sur le plan historique, cette hypothèse paraissait encore plus défendable puisque les plus anciennes inscriptions libyques étaient considérées comme postérieures aux premières colonies phéniciennes en Afrique du Nord, datant de 1200 avant J.-C., et même à l'établissement de Carthage en 8l4 avant notre ère. Mais déjà Stéphane Gsell devait protester, considérant que si le libyque et le punique présentent, certes, plusieurs signes communs, les caractères puniques sont généralement cursifs et se présentent horizontalement alors que dans le libyque, ils sont anguleux et géométriques, et placés verticalement pour les plus anciennes.

Comme nous l'avons dit précédemment, la théorie selon laquelle le libyque pourrait être tout ou partie une invention originale possède ses supporters. én 1959, J.G. Février voyait dans l'écriture libyque un mélange de lettre empruntées et de lettres puisées dans "[...] un vieux répertoire local: tatouages tribaux, marques de propriété, signes gravés sur les pierres de taille..." (Février J.G. 1959, p. 325). Selon Lionel Galand, il a pu exister une graphie libyque sur laquelle, effectivement, le punique a pu exercer une influence (Galand L. 1989, p. 110). Cette graphie originale était en mesure d'emprunter quelques lettres et d'en aménager d'autres, tout en ayant les siens propres. Selon Gabriel Camps, partisan de l'existence de prototypes fort anciens, desquels dériveraient les alphabets phénicien et libyque, "en fait, il n'es guère possible de fixer les origines de l'écriture libyque" (Camps G. 1987, p. 202). Quant à Salem Chaker, il fait remarquer que le libyque apparaît partout tel qu'on le connaît dans son aspect géométrique sans être précédé de stades intermédiaires qu'on ne possède pas, stades qui pourraient représenter une transition ou une évolution progressive du libyque à partir d'un modèle phénicien ou punique, comme c'est par exemple le cas entre le phénicien et le grec archaïque ou la séquence araméen/nabatéen/arabe (Chaker S. et Hachi S. 1999, p. 8).

Outre la linguistique, il existe des éléments ou d'autres voies d'investigation que l'on peut verser au dossier compliqué de l'apparition du libyque: il s'agit des peintures rupestres et des découvertes faites au cours des fouilles archéologiques au Sahara, d'une part, de l'histoire antique de la Méditerranée, d'autre part.

Nous devons à nos années passées dans l'Atlas saharien et le Tassili, y observant des centaines d'inscriptions gravées et peintes, l'intuition d'une genèse locale du libyque. L'argument peut paraître subjectif, mais la fréquentation du terrain est un élément fort important. Si les physiciens, mathématiciens et astrophysiciens d'aujourd'hui, parmi lesquels des noms célèbres comme celui de Newton ou Einstein, ont parfois accédé à des découvertes fondamentales grâce à des théories qui ont été vérifiées par la suite, des théories souvent bâties sur une grande part d'intuition de l'aveu même de ces célèbres chercheurs, on se demande pourquoi la même démarche serait interdite aux archéologues dans la mesure où leurs hypothèses peuvent trouver preuve.

Dans l'Atlas, nous remarquions que les inscriptions rupestres étaient postérieures à la période du char et du cheval, un constat qui nous étonnait, car, au Tassili, nous commencions à découvrir que char et cheval, écriture et métal semblaient aller de pair (aussi, nous ne serions pas surprise si dans l'Atlas des caractères d'écriture se
trouvaient un jour associés au char et au cheval). Les inscriptions atlasiques que nous avons soumis à Salem Chaker lui permirent de les rattacher à un alphabet occidental avec des caractères sahariens anciens (in litteris) (Hachid M. 1992).

Le fouillis géométrique des parois de l'Atlas fut pour nous décisif. Nous avions été frappée par ce riche cortège de signes géométriques marquant les rochers, parmi lesquels des signes très proches du décor géométrique des arts populaires actuels (tissage et tapisserie, poterie, sculpture sur bois, tatouages, peintures murales, forme et décors des bijoux). Il nous paraissait clair que ces signes étaient déjà de véritables idéogrammes, des symboles, une sorte de graphie naissante, porteuse de sens.

Cette hypothèse allait se renforcer avec les prospections que nous fîmes dans la région de Tébessa (nord-est de l'Algérie). Nous y vîmes des sites rupestres inédits reproduisant exactement les mêmes signes géométriques que ceux ornant les coquilles d'oeuf d'autruche des Capsiens, ces premiers Berbères dont l'une des caractéristiques culturelles essentielles, voire identitaires, est celle du décor géométrique qui marque tous leurs objets utilitaires et leur parure. Nous avons alors publié un motif à l'allure décorative, mais ayant déjà un sens précis: un arbre, peut-être le palmier (Hachid M. 1982, fig. 297) en écrivant: "Le palmier est avec le dromadaire le plus grand ami du Saharien; chez les Kabyles comme chez les Touaregs le palmier est la maison des anges"
Aujourd'hui, l'interrogation de Salem Chaker et de Slimane Hachi: "Ne doit-on pas plutôt envisager d'emblée un processus de développement endogène à partir de pratiques non scripturaires, en tout cas non alphabétiques?" (Salem S. et , Hachi S. 1999, p. 2), vient rejoindre l'avis des partisans d'une origine locale du libyque et conforter ce que nous écrivions sur les gravures géométriques de l'Atlas saharien: "De plus en plus réduites, les figures tendent à se géométriser et la période libyco-berbère entre progressivement dans la voie de l'abstraction. De nombreux motifs au tracé rectilinéaire, ignorant le volume et la courbe, apparaissent dès l'étage caballin et se multiplient surtout en milieu camelin - losange, triangle, carré et rectangle, marelle, ligne brisée, chevrons, signe en M, barbelures, branche, croix... C'est ce même cortège de motifs que l'on retrouve aujourd'hui dans les arts populaires... Avec les temps protohistoriques et historiques, le dessin figuratif tend à disparaître; le style géométrique envahit les parois et peu à peu cet art se confine aux graffiti. Au début de ce processus, entre la fin de la période des chars et le début de la période libyco-berbère, on ne sait d'où ni comment surgissent les premiers caractères d'écriture." (Hachid M. 1992, p. l47). On ne peut, dans ce cas, admettre l'idée d'un emprunt total au punique.

Ces mêmes auteurs font remonter ce processus à l'art rupestre caballin du Tassili: "[...] les artistes du caballin ont été ceux qui ont inauguré, puis généralisé de manière graduelle, le schématisme à base géométrique. Ce style, nouveau, en nette opposi avec le réalisme et la diversité des représentations bovidiennes, correspond à un profond changement dans le graphisme..." (idem, p. 5). Ce constat est certes valable en ce qui concerne les gravures de l'Atlas saharien, mais pour le Tassili et le Sahara, le graphisme géométrique est bien plus ancien que la période caballine. S'agissant du Sahara central, nous pensons que, des Protoberbères Bovidiens aux Paléoberbères, il y a certes un changement de style dans l'art de la peinture, dans la mesure où les premiers s'inscrivent encore dans un art figuratif alors que les seconds abordent un traitement des figures plus stylisé et plus géométrique. Néanmoins, l'apparition de motifs géométriques est plus ancienne que ne l'estiment Salem Chaker et Slimane Hachi: les peintures que les Protoberbères Bovidiens du néolithique appliquaient parfois sur toute la surface de leur corps, le décor des vêtements, notamment féminins, sont déjà investis de motifs divers pouvant se prêter peu à peu à l'esquisse d'un graphisme symbolique, s'il ne l'était pas déjà...

Partout dans le monde, chez les peuples premiers, les peintures corporelles ont une importance capitale d'un point de vue magico-religieux. Pour les Protoberbères Bovidiens, nous pensons que les peintures corporelles (qui pouvaient aussi être des tatouages) jouaient déjà le rôle de "marqueur", chaque groupe ayant les siennes, les uns préférant les zébrures, les autres, les lignes ondulées, d'autres encore, les motifs géométriques. S'il y a différence dans ce décor corporel qui marque l'appartenance tribale, c'est qu'il y a déjà un début de sens. élles pouvaient aussi être liées à des activités particulières; ainsi, on remarque que les chasseurs ont souvent des zébrures sur les jambes. Avec les Libyens orientaux magnifiquement restitués par l'art égyptien, les signes-tatouages sont visiblement réservés aux rois et aux dignitaires et impliquent, comme le double baudrier, les notions de prestige, de pouvoir et de noblesse. On a reconnu parmi ces tatouages le signe de la déesse Neith, signe à la fois religieux et prophylactique, et le signe de croix qui n'a aucun lien avec le christianisme, loin d'être né. Chez les Garamantes, notamment, le graphisme géométrique va prendre les proportions qu'on lui connaît. Surtout, il va intervenir sur les figures elles-mêmes qui perdent de plus en plus leur aspect figuratif au profit d'un traitement géométrique. Cette graphie a pu donner naissance plus tard à quelques signes sommaires préalphabétiques.

én résumé, nous pensons que c'est d'abord chez les Capsiens du Maghreb, il y a plus de l0 000 ans et chez les Protoberbères Bovidiens du Sahara, il y a déjà 7 000 ans, qu'il faut chercher ce vieux stock de signes divers, puis chez les Libyens orientaux et sahariens des débuts de l'histoire. C'est dans ce creuset iconographique que se trouvent certains éléments graphiques socio-religieux (et autres?) qui ont pu se prêter progressivement à la mise en place d'une sorte de langage idéographique primaire. Ce n'est qu'avec les Paléoberbères Garamantes que ce système primaire s'est orienté vers une forme scripturaire pour donner les premiers caractères d'écriture (mais nous ne serions pas étonnée que l'on découvre un jour que ces caractères soient l'invention des Libyens sahariens).

L'avantage qu'offre le cas des peintures du Tassili ou de l'Atlas saharien réside dans l'étonnante continuité ethnique berbère qui se manifeste dès le Néolithique moyen avec les Protoberbères Bovidiens jusqu'à la période cameline subactuelle.

A la suite des travaux d'Henri Lhote, il était admis que le cheval avait été attelé avant d'être monté et que l'écriture apparaissait tardivement au stade seulement de la cavalerie. Des images rupestres prouvent la simultanéité de la monte du cheval et de son attelage au char. Quant à l'écriture, nous connaissons au moins six à sept inscriptions au Tassili qui appartiennent incontestablement à la période des chars: elles se trouvent à Tachekelaouat, Oued Bohediane, Titeghas n'Elias, Akraren, In Oufnane, Ekaden Ouacharène, Takoudématine; et peut-ètre aussi In Eleli. Ce sont toutes des inscriptions peintes. Fabrizio Mori en a publié quelques-unes dans la Tadrart Acacus, mais il n'en a pas tiré parti; celle de Teghaghit, dans la Tadrart Acacus, est tracée en blanc. Tout au long de la période garamantique, qui a évolué sur plusieurs siècles, les inscriptions deviennent de plus en plus nombreuses, au point que lorsqu'elles se trouvent associées aux premières images du dromadaire, elles envahissent les parois. Leur contexte et leur style permettent de les sérier, et les plus anciennes, sous réserve de confirmation par un examen linguistique, nous paraissent se trouver à Tachekelaouat, Oued Bohediane, In Oufnane, Titeghas n'Elias, Ekaden Ouacharène, Akraren, In Eleli, et In Teghaghit.

Nous avons remarqué que, parfois, procédé volontaire de la part de ces peintres, les inscriptions viennent en dernier lieu comme pour "signer" ou référencier la peinture réalisée. Sur la roue de Brooklyn étudiée par Jean Spruytte et datant du Ve siècle avant J. -C., il y a des marques de repérage reproduisant le signe X, une lettre libyque. Quant à l'inscription d'Ekaden Ouacharène, elle est associée à un quadrige très particulier, un magnifique galop cabré de quatre chevaux, quadrige tout à fait comparable aux chars d'apparat des scènes de triomphe ou de mythologie de l'art grec des VIe et Ve siècles avant J. -C. En outre, cette inscription constitue une preuve des contacts qui existèrent entre les Paléoberbères du Sahara central et la Grèce classique.

Dans l'état actuel de nos connaissances, si la langue berbère s'individualise dans la région du Maghreb il y a environ 8 000 à 7 000 ans, peut-on dire que l'écriture, le libyque, a de fortes chances d'être apparu au Sahara? Du moins peut-on affirmer que dans l'état actuel de nos connaissances, les inscriptions libyques les plus anciennes se trouvent au Sahara central.

Ces inscriptions que nous considérons comme les plus anciennes sont encore peu nombreuses et il s'agit le plus souvent de quelques lettres brièvement tracées, presque toujours alignées verticalement. Etant indéchiffrées, on ignore ce qu'elles expriment. Les écritures les plus anciennes au monde, les tablettes sumériennes de Mésopotamie et les hiéroglyphes égyptiens, sont apparues dans la seconde moitié du IVe millénaire avant J. -C. "[...] dans des sociétés en plein développement où l'essor du commerce au bord des fleuves et l'urbanisation font surgir de nouveaux besoins: celui de la liste comptable, du répertoire, de la trace administrative, de la marque de la propriété. L'écriture fixe et enregistre, pose des repères, indique des bornes, elle fonde l'ordre social et politique, garantit le pouvoir de quelques-uns. Cependant les mythologies, tant mésopotamienne qu'égyptienne, font de l'écriture un don divin" (Zali A., 1997, p.12). L'écriture libyque est née dans un environnement naturel qui était celui d'une brousse sèche, voire prédésertique, un milieu s'enfonçant dans l'aridité et qui ne pouvait répondre à des besoins économiques comme ces grandes civilisations que d'importants fleuves comme l'Euphrate, le Tigre et le Nil ont fertilisées.

Ces inscriptions sahariennes étant fort courtes, nous ne pensons pas qu'elles viennent seulement préciser le sens de l'image à laquelle elles sont associées ou qu'elles soient une simple légende. Les langues sumériennes et égyptiennes étaient aussi porteuses de messages importants, à dimension religieuse par exemple. En Egypte, les hiéroglyphes sont l'émanation du verbe divin et à ce titre se traduisent par "lettres sacrées"; en dessinant un hiéroglyphe, le scribe lui donnait vie. Au cours l'Antiquité, l'écriture n'était pas à la portée de tous: sous le règne des pharaons, on a estimé que seul 1% de population savait écrire (Vercoutter J. 1994, p. 66). La société protoberbère puis paléoberbère, telle qu'elle apparaît dans les peintures, privilégie un message figuré: celui de la représentation d'une élite sociale et de son idéologie de pouvoir. Parmi les Paléoberbères Garamantes, seule cette élite pouvait posséder des chevaux et des chars ou le métal. Aussi pensons-nous que ces inscriptions ont de fortes chances d'exprimer l'idée de chefferie, d'autorité et de classe sociale. A son tour, l'écriture a pu être considérée comme un instrument de prestige réservé à cette élite. Ces inscriptions pourraient, par exemple, livrer le nom du propriétaire du char et du cheval, le nom ou le titre d'un chef ou d'un clan.

Par ailleurs, la société berbère a toujours été une société de tradition orale où la mémoire et la communication non écrite tiennent une place de choix. Cela ne réduit en rien l'importance des écritures libyques, mais peut expliquer que la parole fut privilégiée au détriment de l'écriture. "Qualifier l'Afrique de "continent sans écriture", c'est oublier, aveuglés par la place privilégiée de l'écriture dans notre conception occidentale de la communication, que dans les systèmes graphiques africains, les signes et les figures tracées viennent exprimer de façon concrète et visible ce que la parole ne dit pas. Dans les sociétés africaines, la parole ne doit pas être comprise comme le seul et unique moyen d'expression privilégié mais comme un moyen de communication parmi d'autres." (Girard é. 1997, p. 88)

Au Sahara central, nous avons pu constater que (à ce jour) aucune inscription n'accompagne les peintures des Libyens sahariens. Les premiers caractères apparaissent avec ceux qui leur font immédiatement suite, les Paléoberbères Garamantes. Nous avons vu que ces derniers se mettent en place après 1500 ans avant J.-C. et avant l000 ans avant J.-C. C'est donc dans ce laps de temps, de moins de 500 ans, qu'il faut rapporter l'apparition du libyque, c'est-à-dire dans la seconde moitié du IIe millénaire avant J.-C.

L'alphabet phénicien a vu le jour entre 1300 et l200 avant. J.-C. Le document le plus ancien que l'on connaisse est l'inscription sur le sarcophage du roi Ahiram à Byblos daté entre 1100 et 1000 avant J.-C. C'est exactement la période à laquelle le libyque a pu se mettre en place. Par conséquent, la relative contemporanéité de ces deux écritures ne permet pas d'envisager que le libyque soit issu du phénicien et encore moins du punique.


On pourrait admettre que les inscriptions associées aux Paléoberbéres du Tassili sont donc les plus anciens témoignages de l'écriture libyque en Afrique du Nord et qu'elles peuvent se situer vers 1300-1200 ans avant J.-C. Or, nous sommes en plein Sahara central, bien loin du domaine phénicien et carthaginois. C'était déjà le cas, rappelons-nous, de la plus ancienne inscription connue au Maghreb, celle d'Azib n'Ikkis dans le Haut Atlas marocain, située complètement à l'ouest et à l'opposé des zones d'influence punique. Mais la mise en place de cette écriture dans des régions strictement continentales, en dehors de tout contact, ne nous satisfait pas. En voici les raisons.
Des arguments d'ordre archéologique et historique vont dans le sens de la contemporanéité du libyque et du phénicien, mais ils induisent aussi des contacts obligatoires dans la mise en place de l'écriture des Paléoberbères. La période à laquelle le libyque surgit sur les rochers du Tassili correspond non seulement à l'invention de l'alphabet en Méditerranée, mais aussi à un événement capital dans la partie orientale de cette région. Il s'agit des formidables invasions des Peuples de la Mer qui mettent les Libyens orientaux en contact avec des peuples très divers venus des Balkans, d'Asie mineure, du Levant, de la mer Egée... C'est avec quelques-uns d'entre eux qu'ils se sont alliés contre les pharaons Mineptah puis Ramsès III. Comment l'écho de cet événement qui va bouleverser la Méditerranée, entraîner l'effondrement de grandes civilisations comme celle des Mycéniens ou des Hittites d'Anatolie ne serait-il pas parvenu aux Libyens sahariens, lesquels par ailleurs ont pu prêter main forte à leurs cousins Libyens orientaux ? Les Peuples de la Mer débarquant avec femmes, enfants, bagages, us et coutumes, s'attaquant aux royaumes et empires méditerranéens, suscitant batailles célèbres, mouvements de populations et autres désordres ont entraîné une vague déferlante qui a forcément mis en contact des peuples et des cultures. Il suffit de contempler l'iconographie égyptienne immortalisant les batailles de pharaon pour s'en assurer: les étrangers y sont soigneusement reproduits, chaque détail de leurs vêtements, de leur coiffure ou de leur armement nettement restitué. Cette configuration mouvementée de la Méditerranée a entraîné des échanges et des emprunts culturels, et pourquoi pas des signes d'écriture, voire un système alphabétique? Salem Chaker n'a-t-il pas fait remarquer que l'une des racines du nom du cheval (ayis) en berbère semblait plutôt avoir puisé au lexique indo-européen (ekwos) qu'égyptien (lequel a emprunté le terme susim, d'origine sémitique)?


Les Libyens ne pouvaient ne pas connaître l'existence des hiéroglyphes. Par ailleurs, ils étaient en contact avec des peuples, comme les Egéens, par exemple, qui, dès la fin du IIIe millénaire avant J.-C., possédaient des systèmes d'écriture (le hyéroglyphique crétois ou minoen, le linéaire A, le linéaire B ou écriture mycénienne). Ils ne pouvaient donc pas ignorer qu'il existait des procédés permettant de transcrire une langue. Comme nous l'avons vu, ils ont pu posséder une graphie propre, sorte de substrat autochtone qu'ils ont alors amélioré grâce à cette puissante mise en contact avec les peuples de la Méditerranée orientale. Ceci aurait l'avantage d'expliquer les quelques ressemblances notées par les linguistes avec d'autres alphabets sémitiques anciens, des ressemblances peut-être puisées à un fonds méditerranéen commun, comme le suppose Gabriel Camps. Ainsi le X marqué sur la roue de Brooklyn, marque de repérage, est certes une lettre phénicienne, mais c'est également une lettre libyque. De la même manière que les Paleoberbères ont su mettre à profit un savoir technologique commun à la Méditerranée, adoptant et adaptant à leur tour char et cheval, ils ont pu aussi s'inspirer d'un système d'écriture plus performant que le leur qui s'en trouva ainsi amélioré. Les Grecs, eux même n'ont-ils pas puisé à la même source, empruntant plusieurs signes au phénicien pour noter leur voyelles, via l'araméen?

Même en admettant une genèse tout à fait locale du libyque, par les nécessaires contacts avec la Méditerranée, ses caractères se sont forcément frottés à des prototypes très anciens. N'a-t-on, pas mis en valeur un alphabet apparu antérieurement au phénicien? A Ougarit, près de Byblos, en Syrie du Nord, vers 1400 avant J.-C., il existe une écriture cunéiforme qui utilise trente signes seulement, tous des consonnes. Les linguistes n'hésitent pas à considérer l'alphabet d'Ougarit comme la première écriture alphabétique. Comme beaucoup de langues afrasiennes, les voyelles sont rétablies d'après la physionomie des mots. On sait justement que c'est de cette cité-Etat d'Ougarit que les Peuples de la Mer se sont ébranlés pour attaquer Ramsès III en l'an 1177 avant J.-C. Non pas qu'il faille en déduire un lien entre ce cunéiforme et le libyque, bien sûr, mais l'exemple montre la circulation et la mobilité des hommes et des connaissances d'une rive à l'autre de la Méditerranée. Il reste aussi aux linguistes à nous confirmer si les premiers caractères d'écriture libyque sont déjà un alphabet ou non. Dans le cas positif, alors les Libyens ont inventé leur écriture et leur alphabet sans avoir forcément emprunté ce dernier à celui des Phéniciens, mais on ne peut écarter la possibilité qu'il y ait eu un contact entre les deux, et donc quelques emprunts. Mais dans ce cas, pourquoi les-dits emprunts n'auraient-ils pas été réciproques?


Est-il d'ailleurs nécessaire d'invoquer les événements qui secouèrent la Méditerranée lors des invasions des Peuples de la Mer, sachant la richesse culturelle et linguistique du bassin méditerranéen oriental et les échanges naturels entre peuples et royaumes? Mais cette référence à la Méditerranée orientale au moment où elle s'expose à tous ces désordres historiques correspond justement à cette date de 1200 ans avant J.-C. qui marque l'émergence très probable des premières inscriptions libyques au Tassili avec les Garamantes bitriangulaires. Tous les éléments, archéologiques, linguistiques et historiques convergent vers ce même repère, celui de l'apparition du libyque vers la fin du IIe millénaire avant J. -C., entre 1500 et 1000 avant J.-C.

C'est le moment où une vague de progrès porte les Paléoberbères, qui adoptent cheval et char, mettent au point écriture et métallurgie. Que l'écriture soit apparue, à quelques siècles près, en même temps que le cheval, le char et le métal n'est pas le fait du hasard. Cette dynamique de progrès est un ensemble qui, de proche en proche, gagne la Méditerranée. A ce progrès, tous ont participé: les Paléoberbères ont si vite maîtrisé la technologie de l'attelage et de la cavalerie qu'ils vont inventer le quadrige et une méthode particulière de dressage de chevaux; ils en feront de même pour la métallurgie. Il n'est pas étonnant que l'écriture ait justement accompagné tous ces importants bouleversements.

Il reste maintenant à se demander pourquoi, si l'écriture libyque s'est également construite au contact des autres civilisations méditerranéennes, pourquoi celle-ci serait née au Sahara central et non pas, plus logiquement chez les Libyens de la côte méditerranéenne? Pourquoi ne serait-elle pas apparue dans les gravures rupestres de l'Atlas saharien, nous dira-t-on? Nous avons attentivement examiné celles-ci: les inscriptions les plus anciennes sont postérieures aux représentations de chars. Mais comme nous en émettions l'intuition ci-dessus, nous sommes persuadée que cette écriture a pu naître dans le même temps que l'attelage. Il reste donc à découvrir une association possible d'inscription et de char dans l'Atlas (cette région étant pour l'instant dangereuse à parcourir, l'avenir nous le dira). Si l'écriture libyque est née sur les rives de la Méditerranée, alors nous en découvrirons aussi un jour les plus anciennes traces. Si elle s'est mise en place au Sahara central, alors il faut croire que les Paléoberbères sahariens étaient plus doués que les Libyens orientaux ou occidentaux, qui auraient dû être les premiers dans le domaine, sachant leur position géographique plus propice aux contacts avec les peuples de la Méditerranée orientale ou est née l'écriture.

Aujourd'hui, pour mieux comprendre et dater le libyque saharien, nos efforts doivent tendre vers la recherche et l'exploitation systématique des inscriptions qui accompagnent les peintures rupestres paléoberbères les plus anciennes, mais aussi des inscriptions liées à un contexte archéologique parfaitement datable, comme celle du char d'Ekaden Ouacharène au Tassili, par exemple. Par ailleurs, il est évident que l'étude de ce contexte peut être d'un grand apport pour établir une chronologie relative de ces inscriptions: celles qui sont associées à des girafes et des chevaux sont forcément plus anciennes que celles qui jouxtent le chameau et l'autruche... Pour identifier ces catégories, il faut un travail étroitement lié entre archéologie et linguistique. On ne peut continuer de travailler chacun de son côté, sachant que archéologues et linguistes ont des éléments complémentaires. Le domaine saharien reste le champ d'étude par excellence, les inscriptions ayant eu l'avantage d'avoir été peu ou pas du tout exposées aux influences et aux altérations qu'ont connues les alphabets septentrionaux, notamment l'oriental fortement influencé par le punique.

Peut-on savoir à quel moment s'accomplit la mutation du libyque saharien en tifinagh anciens, forme plus récente? On sait qu'au Tassili ces derniers apparaissent avant le dromadaire, mais il est pour l'instant difficile d'établir à quel moment précis cet animal est arrivé au Sahara. Toutefois, sachant d'une part, que le dromadaire est repérable dans le dernier siècle avant notre ère, qu'il abonde dans la partie orientale de l'Afrique romaine dès les premiers siècles de notre ère et, d'autre part, que les inscriptions du mausolée d'Abalessa (Ahaggar) au Ve siècle de notre ère sont déjà des tifinagh récentes, logiquement les tifinagh anciennes ne peuvent qu'être apparus au cours du dernier millénaire avant J.-C., avant le dernier siècle (au moins).

én Aïr, Jean-Pierre Roset a montré que les inscriptions n'apparaissent que dans la phase caballine finale, celle où les hommes tiennent leur cheval par la bride (Roset J.P. 1993). Ces guerriers portent un voile dissimulant le bas du visage, des plumes sur la tête, une natte de cheveux sur le côté, le pantalon bouffant, style seroual, un bouclier rond et le couteau pendant de bras.
L'écriture libyque, après une longue gestation à travers l'art géométrique, est très vraisemblablement apparue vers 1300/1200 avant J.-C. Il y en eut assez vite plusieurs formes, du nord au sud, d'est en ouest de cette immense Berbérie. Les tifinagh anciens sont forcément en place avant le Ie siècle avant J.-C. et se transforment en tifinagh récents. Les tifinagh récents remontent au moins au Ve siècle de notre ère, date du mausolée d'Abalessa. Les tifinagh anciens ont donc, au minimum, six siècles d'âge et les écritures libyques ont pu durer plus de 1000 ans.



__________________
* Extrait de : Les Premiers Berbères. Entre Méditerranée, Tassili et Nil. Ina-Yas. Edisud 2001

** Malika Hachid est diplômée de l'université de Provence en préhistoire et protohistoire sahariennes. Tour à tour chercheur, maître-assistant, conservateur, puis directeur du Parc national du Tassili des Ajjer (Patrimoine mondial), elle est avant tout un chercheur de terrain, férue du Sahara en général et du Tassili en particulier, une région qu'elle parcourt à pied et à dos de chameau depuis plus de vingt ans.

Auteur de nombreux articles et conférences à travers le monde, elle a aussi collaboré à de nombreuses réalisations audiovisuelles et, consacré deux ouvrages au patrimoine de l'Algérie et du Sahara:

- El-Hadjra el-Mektouba. Les Pierres écrites de l'Atlas saharien,

1 volume de texte, 176 pages ; 1 volumc d'images, 3

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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00
TABLEAU 1
Comparaison entre le libyque (occidental et oriental), le tifinagh saharien, six variations du système touarègue et le néo-tifinagh développé par l'Académie berbère
  • Les signes du libyque occidental, n'étant pas déchiffrés, sont rangés aux côtés des signes du libyque oriental les plus similaires.
  • Les signes dont la valeur n'est pas établie sont marqués d'un ?
  • Les caractères sont orientés horizontalement de gauche à droite.
  • Dans la colonne Sah, * veut dire que deux signes ou trois forment un seul caractère.
  • Le tableau 1. ainsi que toutes les précisions qui vont avec, hormis la colonne AB, sont tirés de Prasse (1972)

V = valeur
L/oc = Libyque occidental
L/or = Libyque oriental
Sah = Tifinagh saharien
H = Hoggar

G = Ghat
D = Adrar
Y = Ayer
W = Iwelmedan
T = Tanslemt
AB = Néo-tifinagh de l'Académie berbère

Source:http://www.mondeberbere.com/langue/tifinagh/tableau1.htm

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