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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

Par: Mustapha Hansali 
 
Le batik n'est pas une peinture, mais un décor obtenu par teinture. On dessine un motif sur l'étoffe à décorer, on applique ensuite de la cire chaude sur les parties que l'on réserve ; c'est-à-dire les parties que l'on ne veut pas mettre en couleur. On trempe la pièce de tissu dans un bain de teinture. Seules les parties non enduites de cire prendront la couleur ; c'est ce que l'on appelle le batik. Comme le batik, la teinture à la réserve est une pratique de décoration des étoffes par teinture. Les réserves de couleurs sont obtenues par des nœuds, des ligatures ou des coutures.
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Ce procédé est pratiqué dans de nombreux pays depuis longtemps. Bien que l'on ne connaît pas l'origine exacte ni la date de son invention, les premières données à ce sujet viennent de l'Inde et datent des VI et VII siècle de notre ère. On a trouvé des soies chinoises, teintes par nœuds, dans des tombes sur l'ancienne route de la soie de Turkestan Oriental. Les marchands qui parcouraient en Caravane l'Extrême-Orient, et l'Asie, transportaient parmi d'autres marchandises, des étoffes teintes par ce procédé. De l'autre bout du monde, au Pérou, on a trouvé des pièces de tissus, teintes de cette façon, dans des tombes Incas, ce qui prouve que cet art était pratiqué dans cette région avant la conquête espagnole du XV siècle. Dans l'Arizona et le nouveau Mexique, on a découvert des tissus précolombien teints par le procédé des nœuds. La teinture par nœuds est connue et pratiqué dans de nombreux pays africains. Au pays des berbère, c'est surtout au Maroc que de belles réalisations issues de ces techniques sont reconnues.
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Reprenant Prosper Ricard, 'le Batik berbère' serait, ici, pour désigner le procédé de la teinture à la réserve appliquée aux tissages berbères. Les réserves sont faites par des cordonnets qui nouent une partie du tissu et l'empêchent de prendre la teinture sur les surfaces correspondantes. Notons en passant que Prosper Ricard a déjà signalé, en 1925 l'existence de tissus berbères batikés sur tout le territoire berbère, en Haute Egypte, en Libye, en Tunisie, en Algérie et au Maroc.
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Jusqu'ici, on ignore encore, en l'absence d'une recherche sur le terrain, les tissages berbères de l'Egypte, de la Libye et de l'Algérie. Toutefois, une chose est sûre : Des documentations sur ce sujet indiquent l'existence de tissages teints à la réserve chez les berbères de ces pays. On remarque qu'en Tunisie, la quasi-totalité des enveloppements des femmes berbères sont batikés. Leur procédé de teinture à la réserve s'avère, néanmoins, plus simple. La forme des réserves est réalisée ici par des rayures et des motifs géométriques réalisés par le moyen du tissage. Ce sont des fils de coton blancs ou teints, non soumis à un mordançage approprié qui conservent leurs nuances initiales dans des tissus de laine trempés complètement dans un bain de teinture.
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Le procédé de la teinture à la réserve à proprement dit pratiqué en Tunisie est celui appliqué au châle de tête des villages berbères du sud. Il s'agit de 'Tamendilt', un foulard d'une surface d'environ un mètre carré, de couleur verte tachetée de rouge, jaune, et quelque fois rechaussée de broderies de soies de couleurs. A côté de ce foulard batiké il existe un bandeau batiké en rouge et noir dont les femmes du sud tunisien entourent leur tête. Ces bandeaux de têtes se trouvaient également, chez les berbères du Maroc, mais sous un autre aspect. Les femmes des Aît Telt des Beni Ouarain portaient une bande de tête ornée de dessins géométriques en coton qui apparaissent en réserve sur un tissu en laine teint en marron foncé.
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En parlant des Beni Ouarain, on pense inévitablement aux Aît Telt et à leur belles réalisations artistiques sur des tissages batikés. La 'Taritat', cette sorte de foulard dont les femmes se couvraient la tête, à l'époque, témoigne d'un goût au même temps raffiné, simple et ancien qui est resté attaché dans ses nuances à la couleur marron-foncé, couleur de la terre des Beni Ouarain. Il est étonnant que malgré que les berbères des montagnes demeurent toujours en butte aux changements modernes qui affectent leur mode de vie, les femmes ont su et pu conserver ces tissus pour plus d'un siècle. Il ne faut pas s'étonner, non plus, que même les femmes des environs de soixante ans ne se rappellent même pas de la dénomination berbère de ce voile de tête.
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Rare même sont celles qui se souvenaient de l'existence de ce type de tissage. Seules celles qui ont pu le conserver jusqu'aux derniers temps puissent garder les renseignements qui l'entourent. Selon des renseignements parvenus de chez les femmes des Beni Ouarain, aucun foulard ne fut confectionné, sans doute, après le protectorat. Il s'agit d'une étoffe confectionnée sur le métier habituel. Elle sort entièrement en laine écrue et ne comporte aucun dessin, à l'exception faite, parfois, de quelques listels transversaux, vers les extrémités tramés de coton blanc. C'est un tissu toile assez fin, qui se soumet aux opérations de la teinture à la réserve : la pièce reçoit une première teinture légère en rouge-jaune de henné et de garance. Elle est ensuite garnie souvent de cinq grands nouets qui font cinq poches distants les unes des autres de 10 à 15 centimètres. Ces dernières sont rassemblées en un grand nouet qui serait trempé dans un bain de teinture obtenu en faisant bouillir des feuilles de noisettes, la cendre, la suie de la fumée et une sorte de terre noire dans l'eau. La partie inférieure opposée au grand nouet serait également trempé de la même façon. Seule la partie qui les sépare et qui est serrée par un fil serait impérmiable au noir. Après séchage et dénouage des cordonnets, la pièce se voit comme des sortes de cercles et de demi cercles noirs distants les uns des autres par des distances jaunes. Au moyen d'une plume de coq, les parties jaunes seraient garnies de dessins à la couleur foncée d'un jaune brun de henné, la pièce, définitivement préparée, se porte par la femme mariée et se serrait par le bandeau déjà signalé.
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Dans les deux dernières années, les recherches commerciales dans le domaine des tissages, au Maroc, vont plus vite que les recherches de documentation. Il est difficile même de mener une étude exhaustive pour chaque genre de tissage arrivée sur le marché. Bien que l'on remarque que pour chaque dialecte et même pour chaque accent linguistique, il y a une forme de batik propre, cela ne fait, toutefois, qu'affirmer encore une unité artistique qui évoque une unité linguistique réelle.
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De la Haute Egypte, de la Libye, de la Tunisie, en passant par l'Algérie pour arriver au Maroc, les tissages batikés sont d'une grande et riche variété qu'il est impossible de décrire chaque prototype sans sortir du cadre de cette leçon.
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Des Ida ou Zeddout dans l'Anti-Atlas (signalons aussi que la teinture à la réserve est pratiquée sur la quasi-totalité des tissages décorés au henné dans l'Anti-Atlas où l'on trouve des dessins en coton blanc réservés et ressortis sur un champ blanc de laine par la couleur du henné), des Ida ou Zeddout, en passant par les Ait Atta et les Ait Hadiddou dans le Haut-Atlas, pour arriver aux Beni Ouarain dans l'Est du Moyen-Atlas, sans oublier les ceintures batikés des Jabla du nord du Maroc, une variété de tissages batikés parcourent le territoire de la Berbérie comme les berbères le parcourent.

Source: http://www.cloudband.com/frames.mhtml/magazine/articles3q01/icoc_papers_session3_hansali.html
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

    
Le mariage fait naturellement partie des normes sociales chez les rifains : cette institution consolide des alliances entre familles (et par extension de tribus), au-delà de l’union entre deux individus. Voici les descriptions des cérémonies de mariage rifain chez les Iqar3yen et les Aït Iznassen.





LE MARIAGE TRADITIONNEL CHEZ LES IQAR3YEN

Tout commence après accord sur la sdaq fixée lors de l’3adran (officialisation du mariage). Il s’agit d’une somme d’argent versé par le père du garçon à celui de la fille, que ce dernier doit absolument dépenser pour le trousseau de sa fille (bijoux, vêtement, meubles…).
Le mariage a lieu en général en été (après les récoltes), période d’abondance...
Les cérémonies durent 3 jours : chez les parents de la mariée (1er et 2ème), chez les parents du marié (2ème et 3ème). Le mariage se conclue 7 jours après ces cérémonies par le rituel du voile (tighrit )

Les modalités cérémonielles

Chez les parents de la mariée, les rituels se font par les femmes en général dans une chambre. La mariée doit cesser toute activité 7 jours avant le début des cérémonies. Elle doit prendre un bain quotidien . Le premier jour, les femmes l’habillent d’un vêtement traditionnel, et lui applique du henné aux pieds, aux mains (voire aux cheveux et visage). Elle est installée sur un fauteuil et voit défiler les invités. Il semblerait que des femmes assez âgées se livrent à des rites d’initiation sexuelle et se moquent de la jeune mariée. Les hommes quant à eux sont à l’extérieur (cour/jardin) où ils discutent et reçoivent un repas.
Chez les parents du marié, le père est organisateur avant tout et n’a aucun rôle dans les rituels. Il doit honorer ses invités par tout le faste qu’il est capable de déployer : groupes de musiciens, chanteur/danseuses, nourriture, cavalier de fantasia…Les ayaz et le père du marié sont spectateurs des cérémonies, les véritables acteurs sont :
- Le marié : pendant tout le déroulement du mariage, il est qualifié de « muray » (es-sultan) ; sa tenue vestimentaire renvoie au statut de souverain ;
- Les jeunes célibataires : en général, les amis du marié. Ils sont là pour l’honorer en même temps qu’ils se moquent du « faux sultan ». Cette occasion du mariage, leur permet de tenir une attitude opposée à celle qu’ils ont d’ordinaire vis à vis de leurs aînés. Une opportunité de se lâcher…tenant tantôt des discours obscènes, tantôt ironisant sur le sort de leurs aînés ;
- Les musiciens : ils animent la fête et sont aussi les complices des jeunes. Le paradoxe : ce sont des gens de basse condition, sans terres, considérés comme non musulmans. Ils sont infréquentables d’ordinaire mais restent toutefois indispensables aux mariages. Ils peuvent être accompagnés de danseuses (prostituées). Leurs instruments de musiques traditionnels : zammar et daf (tambour). Un membre du groupe, l’abarrah tient un rôle important durant les cérémonies, notamment au cours des rituels.



Les rituels

Le déroulement du mariage est (était du moins) axé autour de 4 rituels :

- La danseuse et les bouffons : le 2ème jour
- Le hénné : le soir du 2ème jour
- Le ghrama (allégeance par le don) : le soir du 3ème jour
- Le tigrit (rituel du voile) : le 7ème jour après les cérémonies


1- La danseuse et les bouffons


Cette tradition a lieu le 2ème jour des festivités dans la maison du marié.
« Ce jeu se déroule uniquement lorsque deux groupes de jeunes décident de s'affronter, avec l'aide des musiciens, de l’Abarrah et d'une danseuse. Il débute de la manière suivante : un membre du premier groupe met une pièce de monnaie dans la bouche de la danseuse et l'envoie vers l'autre groupe, accompagnée de l’Abarrah. Celui-ci transmet des paroles de défi : « Oh voilà qui nous sommes ! Ce sont les fils d'un tel, d'un tel et d'un tel qui s'adressent à vous et vous défient ! » La danseuse rend la pièce aux donateurs et repart vers le deuxième groupe de jeunes. Ceux-ci lui mettent plusieurs pièces dam les cheveux ou le chignon et dans la bouche et transmettent à l’Abarrah leur réponse : « Nous savons qui vous êtes ! Voilà qui nous sommes, les fils d'un tel, d'un tel, d'un tel ! Si vous êtes des hommes, ne vous cachez pas, montrez-vous ! »
A partir de ce moment, le jeu est lancé. Chaque groupe choisit des mots de plus en plus obscènes pour ridiculiser son rival et d'autres de plus en plus élogieux pour vanter ses propres mérites. Cette escalade verbale s'accompagne d'une surenchère dans l'étalage des pièces d'argent sur le corps de la danseuse. Les pièces sont glissées di ceinture ou accrochées à sa robe. Le jeu ne se termine que lorsque tout son corps est tapissé de monnaie. L'argent est ensuite rendu à ses propriétaires. »


Interprétation possible : Ce jeu tourne en dérision l’honneur des aînés, notamment autour du paiement de la sdaq

2- Le hénné

Ce rituel a lieu le 2ème jour des festivités chez les parents du marié.
« Le marié sort du lieu des festivités, accompagné de ses amis. Il revêt une djellaba neuve et en rabat le capuchon sur sa tête. Un cortège s'organise. Le marié-sultan est tenu de chaque côté par un de ses amis. Ces deux personnages, appelés iyuzuren (vizir), ou « ministres », lui servent de guides. Une de ses jeunes sœurs ou cousines parallèles balance au-dessus de sa tête une perche au bout de laquelle est attaché un ruban : c'est le parasol du sultan. Deux groupes de jeunes sont placés en avant et en arrière de ces quatre personnages. Le simulacre de l'intronisation commence. La procession revient lentement vers le lieu des festivités. Le groupe placé en avant entonne un chant à la gloire de Dieu. Puis il avance de quelques pas, suivi du marié et de ses iyuzuren. Le deuxième groupe reprend le même chant, puis fait quelques pas en avant. Cette scène est répétée plusieurs fois, jusqu'à ce que le cortège arrive au centre du lieu des festivités. Là sont disposées trois chaises qui tournent le dos à l'endroit où se tiennent les femmes. Sur le siège du milieu est assis un agnat [parent] du marié, mouray-es-sultan.Celui-ci lui embrasse le front et s'assied ensuite à sa place. Il est signifié qu'un nouveau souverain vient remplacer le précédent. Les deux iyuzuren occupent alors les deux autres sièges.
Les femmes du groupe du marié commencent à préparer le henné. Quand les graines de henné ont été moulues et mélangées avec de l'eau jusqu'à constituer une pâte épaisse, deux ou trois petites filles, sœurs ou cousines du marié, versent cette pâte dans une calebasse et viennent la présenter au mouray-es-sultan. Ce dernier doit y plonger sa main droite. Mais, avant qu'il n'esquisse ce geste, les iyuzuren peuvent demander en son nom de l'argent aux fillettes. Celles-ci donnent quelques pièces et devront en apporter davantage si les iyuzuren l'exigent. Cet argent mis dans la poche du marié sera rendu à son propriétaire, c'est-à-dire au père de l'époux.
Le marié, la main dans le henné, guidé par ses deux iyuzuren et suivi par ses jeunes amis, se lève et se dirige vers la chambre nuptiale encore fermée. Il ouvre la porte et entre, puis il retire sa main enduite de henné et l'applique sur un des murs. S'il répète ce geste plusieurs fois, cela indique qu'il est bien disposé à l'égard de son épouse. Les jeunes qui assistent à ce rituel prononcent alors les paroles : « Maintenant ils (le couple) sont mariés. » Par là, il est signifié très exactement que le mariage est consommé sexuellement, ce qui n'est pas encore vrai physiologiquement. Chaque jeune met, s'il le veut, un doigt dans le henné pour, dit -on, bénéficier de la baraka. La cérémonie est terminée. Les jeunes reprennent leur place dans le cercle des festivités et le marié, après avoir enlevé sa djellaba va rejoindre ses agnats et les aide à servir les invités. »


Interprétation possible : Ce rituel symbolise l’intronisation du marié qui représente « le sultan » et la fécondation de l’épouse sous la bénédiction divine (baraka portée par le hénné)

3- Le ghrama

« Payer le ghrama signifie faire acte d'allégeance à une autorité supérieure sous la forme d'un don. Les invités donnent de l'argent au mûrir, mouray-es-sultan. Chaque don est comptabilisé et sera rendu quand le donateur, son fils ou son frère se marieront.
Comme le rituel du henné, celui du ghrama commence par la séquence de la procession qui s'avance vers le lieu des festivités et les trois sièges, vides cette fois. Le marié-sultan s'asseoit au milieu, le capuchon de sa djellaba neuve rabattu sur sa tête, ses iyuzuren assis à ses côtés. Devant eux, à la droite du marié, sur une petite table, est disposé un plateau d'argent recouvert d'un tissu de soie, sur lequel vont être déposés les dons. En avant se tient l'Abarrah. C'est lui qui reçoit les dons des invités. Avant de déposer ceux-ci sur le plateau, il doit proclamer le nom de chaque donateur et vanter les mérites de sa lignée. Un agnat du marié sachant écrire, ou à défaut un lettré, doit noter sur un cahier le nom du donateur et le montant de son don.
L'offrande commence par les dons individuels des agnats des deux époux et des invités isolés qui ne font pas partie des groupes constitués. Chacun d'eux donne une somme d'argent à l'Abarrah qui annonce le montant du don, le nom du donateur, et qui le remercie au nom du marié-sultan. Ensuite vient le moment attendu de l'affrontement segmentaire. Les jeunes prennent position à l'avant, sur deux lignes face à face, les vieux restent à l'arrière, se contentant de passer leurs dons aux jeunes. Au milieu se tient l'Abarrah. Un donateur du premier groupe l'agrippe, lui glisse une somme équivalente à cinq ou dix francs et lui demande de vanter sa lignée, ses ancêtres et son groupe. D'autres membres du groupe font de même. L'Abarrah doit trouver de belles formules pour magnifier ces actes de générosité. Après cette première série de dons, un donateur du deuxième groupe saisit l'Abarrah et le même scénario se répète. Puis l'aberrah est ramené de nouveau vers le premier groupe pour une autre série de dons. A partir de ce moment, les deux groupes s'arrachent tour à tour l’Abarrah et se font couvrir de louanges de plus en plus exaltées. Au cours de ces joutes oratoires, on ne s'adresse jamais directement à l'autre. On ne le dénigre pas. Tout se passe comme si on l'ignorait. Mais en fait, tout le monde sait qu'il s'agit d'écraser l'autre par la force de ses paroles, et par la somme d'argent offerte.
L'affrontement terminé, les jeunes viennent entourer le marié-sultan qui n'a pas bougé, et chantent ses louanges tout en se moquant de lui. L'Abarrah, qui a repris ses esprits, proclame le total de la somme reçue par le marié. Les festivités reprennent.
Les multiples dons reçus par le marié au cours de ce rituel et qui doivent être rendus ultérieurement s'inscrivent dans des cycles d'échanges entre les familles iqar'iyen. Chaque mariage conclut certains échanges quand l'invité rend une somme équivalente à ce qu'il a reçu pour son mariage. »


Interprétation possible : ce don entretient les interactions et échanges sociaux, dans leur solidarité. La somme récupérée par les mariés leur permet de construire leur foyer comme s’ils contractaient un crédit à moyen/ long-terme. Enfin, ces dons sont aussi des actes de soumission à une autorité (le sultan), et au-delà à Dieu qui délivre ainsi une baraka sur la descendance du marié

4- Le tighrit

A la fin du 3ème jour. Le marié consomme son mariage. Et pendant 7 jours, la jeune épouse ne quitte pas sa chambre. Le lendemain du mariage et le 3ème jour les parents de l’épouse viennent dans la maison du marié et leur apporte de la nourriture, tandis que le 5ème jour le jeune marié présente sa femme aux parents. Au 7ème jour, les mariés reviennent à la vie publique ; désormais le marié perd sa fonction de « muray ».

« Un groupe de jeunes amis du marié vient lui rendre visite. Ce sont les premiers visiteurs qu'il reçoit dans la chambre nuptiale désertée pour la circonstance par la mariée. Un thé leur est offert. Un voile [maculé de sang] sépare le lit des époux de l'espace où sont assis les invités. Ceux-ci se répartissent en deux groupes et commencent un simulacre de compétition pour l'achat du voile et des fruits et gâteaux placés dans le lit et sous le matelas. Avant d'arriver, les jeunes s'étaient déjà mis d'accord entre eux sur le déroulement du jeu. L'invité qui paye la plus forte somme arrache le voile et prend fruits et gâteaux, après avoir complètement défait le lit en faisant des allusions grivoises aux rapports sexuels du nouveau couple. Il peut garder toutes ces friandises pour lui, mais il est d'usage qu'il les partage avec les autres et que tout le monde les consomme sur place. Toute la cérémonie se déroule dans l'hilarité générale. Le marié présent doit rire, lui aussi ; il n'a pas le droit de protester.
Dans ce rituel, la dérision ne s'adresse plus aux aînés mais au marié lui-même. Celui-ci n'est plus le mouray-es-sultan des rituels du mariage, mais seulement ce jeune époux qui vient d'établir son autorité sur sa femme, son domaine de l'interdit, et qui voit se profiler devant lui sa carrière d'homme d'honneur. (…). La dérision des jeunes, indique qu'il sera un jour la victime de l'honneur qu'il revendiquera pour lui-même et pour son groupe dans les échanges de violence. Son domaine de l'interdit sera transgressé, sa richesse et sa descendance seront ingérées par ces jeunes qui représentent ici la société segmentaire en acte. »

Interprétation possible : Ce rituel marque la violence symbolique propre à la société Iqar’yen (rifaine par extension ?). En effet, le voile symbolise l’autorité et l’accès pour le marié à un statut d’homme responsable ; mais en même temps, le fait d’être arraché par ses amis montre la possibilité de transgresser cette autorité. Il rappelle alors que des conflits peuvent toujours surgir et remettre en question son honneur.


Le symbolisme du mariage

Raymond Jamous considère ainsi le mariage comme une représentation théâtrale caricaturant la structure sociale rifaine (iqar3yen en l’occurrence) dans ses fondements (honneur/ violence/ baraka), et en même temps affirme la nécessité de ces cérémonies pour reproduire l’identité communautaire. Le mariage prédestine un individu et en même temps toute une société (à travers l’intronisation du rôle du marié-sultan). Il marque en même temps le renouvellement générationnel plus ou moins conflictuel, où les jeunes relayent au second plan les hommes responsables (pères – hommes mariés), s’affirment et portent à la dérision les valeurs de leurs aînés.


[Posté par Clandestina34- 20/10/2004]

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NOCES ET RITUELS CHEZ LES AÏT IZNASSEN

A chacun son «bled», le mien est dit «inutile» même s'il offre un havre sûr par son barrage aux flots de Moulouya qui y finissent leurs courses freinées depuis le haut Atlas pré-oriental pour désaltérer et éclairer les toits de l'Oriental.
Idylle ou simulacre ?


Quand « Anbdu (la récolte) est bon, la saison estivale s'y pare de toutes les couleurs ancestrales et devient le temps d'un théâtre féerique par excellence. Un théâtre où toute péripétie de rituel est une «invitation au voyage» à un monde «merveilleux» qui laisse rebondir les véritables valeurs amazighes de solidarité, de bon voisinage, d'hospitalité et d'amour...

Une fête de mariage, en l'occurrence, y prend l'ampleur d'un festival. Avec un «synopis» quasi banal hérité de l'antiquité, les «noceurs» imaginent des scénarios qui raniment ce «trou de verdure» où l'année durant, presque rien ne s'était passé.

Prologue

A quelques jours de la date promise, la mobilisation est totale : On ne rate aucun souk hebdomadaire pour choisir les ingrédients du festin, les instruments de musique, et autres besoins de toilettes comme autant de robes, costumes et parures...

Acte 1 : Premier jour festif

Juste avant midi, le cortège est fin prêt. C'est la caravane de «tazoudha »ne femme âgée, élue par les parents du fiancé, prend la tête du cortège, un plateau de bronze à la main rempli de henné cru garni d'œufs durs ; derrière elle un cheval ou un mulet nu ; la suite du cortège est composé de montures chargées de corbeilles pleines, de boucs ou chevreaux et d'une petite foule de jeunes femmes, les bendirs aux mains, chantant tout ce qu'elles avaient répété pour l'occasion à la manière d'a7iddus.

A son arrivée, la caravane est accueillie par les invités de la fiancée avec du lait, des dattes, du miel et du beurre avant que les deux groupes ne se mélangent pour chanter et danser... La femme âgée présente le plateau de bronze à la fiancée, lui étale le contenu de la valise ou coffret contenant une partie de la dot en robes et parures, préside la cérémonie du henné et ordonne à la fiancée de se préparer pour quitter le foyer parental sur le cheval (ou mulet) élu (actuellement, c'est la voiture !). Une fois le cortège accueilli par le fiancé chez-lui, commencent la première veillée et le rituel «alaakissa ».Pendant que les invités s'abandonnent aux différents spectacles, un petit groupe de jeunes célibataires se retire dans un petit coin servant de coulisses pour préparer des «manœuvres» : Ils s'agit de jeux de rôles inventés pour l'occasion incitant à chaque fois, et pendant une grande partie de la nuit, le fiancé à trouver une excuse pour persuader la alaakissa de l'autoriser à pénétrer chez sa fiancée.. Tous les essais se vouent à l'échec puisque la consigne du rituel est ferme : la fiancée doit passer la première nuit toute seule...

Acte 2 : Deuxième jour festif

Dès le début de l'après-midi, les parents du fiancé s'apprêtent à accueillir les «tiwsi» provenant de toutes les directions:
Chaque groupe d'invités arrive avec une offrande (tiwsi) composée d'ovins, de sucre, de thé, de menthe, de farine et autres. La cérémonie d'accueil prend l'allure d'un «bal dansant» où la musique, le chant et la danse ne connaissent aucun répit..
La veillée, elle, est partagé en trois grands moments. La premier dure jusqu'aux environs de minuit.

Il est réservé aux différents spectacles présentés par divers groupes folkloriques professionnels ou amateurs crées pour l'occasion. Après le grand festin, nécessairement copieux, se constitue l' «escorte» du «Sultan». Celui-ci s'habille cérémoniellement (Djellaba, Quendrissi,Burnous, babouches...), prend la tête d'un groupe de jeunes, guidé par son Vizir et fait le tour de la maison avant de pénétrer pour de bon, cette fois, dans la chambre de sa «princesse». Dehors, le groupe de jeunes continue à répéter en chorale des comptines psalmodiant la fin du célibat avant de se retirer pour préparer de mauvais tours au «Sultan». A chaque fois un « émissaire » du groupe trouve une excuse pour frapper à la porte ou à la fenêtre de la chambre nuptiale pour signifier au «Sultan» qu'il avait pris trop de temps, que cela risquait de remettre sa virilité en cause. La scène se répète impitoyablement jusqu'à ce que le «sultan» entre-ouvre la porte et jette au groupe guetteur un bout de tissu blanc tout maculé de sang : Ouf ! honneur et virilité confirmés !!!

Actes 3,4,5,6 (jusqu'au sixième jour)

A partir du troisième jour, le jeune couple doit convoler en justes noces loin du toit familial. Il est invité quatre jours de suite, à tour de rôle, par quatre familles différentes. Elles lui offrent gît et couverts et garantissent, à leurs frais, la continuité des festivités : festins, groupes folkloriques, convives, cadeaux, etc..

Acte 7 : Septième jour ou «tighilat »

Les deux jeunes mariés rentrent chez eux, offrent une réception à leurs proches et amis intimes et racontent tout ce qui a marqué les six jours de festivités nuptiales.
Dès le huitième jour, la vie du nouveau couple commence :
C'est déjà le prélude d'un nouveau chapitre d'u «roman fleuve».



Source : Bouziane Moussaoui



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LES RITUELS QUI PERSISTENT DE NOS JOURS…


« Le hénné est un moment fort en émotion, 2 demoiselles d'honneurs sont là pour l'accompagner durant toute la durée des cérémonies, le jour du départ, c'est la mariée qui va chez le mari( il ne va pas la chercher), ensuite ce qui m'a marqué c'es la tenue , elle était habillé avec différente robes, et portait sur la tête des branches qui aidaient à maintenir rgoubath de couleur rouge et le seule artifice était le khol!!». (Karimaf)

« Dans mon environnement, seuls les rituels du Hénné et plus rarement ghrama sont préservés. Sur siniath on dépose le3Daliyet : ce sont des petits paquets que la famille du moulay offre à la mariée lorsqu'il va la chercher. Ils contiennent des épices, autres présents et amulettes enveloppés dans du papier que la mariée doit impérativement ouvrir pour conjurer les mauvais sorts, protéger son couple, et rendre l'union féconde. » (Clandestina34)

« Siniath est un plateau que l'on fait circuler lors du mariage pour récolter de l'argent. Cet argent étant destiné au marié et/ou à son père pour l'aider dans les dépenses du mariage ou plutôt post mariage. C'est imediazzen qui fait circuler siniath et annonçant avec lbouk (haut parleur) la somme ou ce qui a été donné par tel ou tel. » (Nalia-Z)

« lghramet .On dispose un plateau effectivement sur une table basse on met en son milieu un pain de sucre et par dessus celui-ci un bracelet. Les invités du mariage forment un cercle autour de cette table. Un abarrah (ça peut être un amediaz ou quelqu’un du village qui fait ça pour gagner sa vie) appelle les invités à haute voix et annonce l'ouverture de cette cérémonie. Les membres de la famille sont les premiers à se manifester et offre une somme d'argent (d'abord et des présents éventuellement). le "abarrah" l'annonce haut et fort pour que tout le monde l'entende. Les femmes du clan se mettent à pousser des tirewriwine . chaque personne ou membre d'un clan bénéficie de tirewriwine particulières. Plus y en a plus la personne a du succès. et tous les invités sont sensés offrir quelque chose le dernier jour du mariage. La somme récoltée sert à couvrir les frais du mariage. Mais elle est d'abord destinée aux jeunes mariés.» (qio3)

« Il y a un truc dont je me rappelle qui consiste a ce que le marié casse [b] tha3Ddihth[b] une casserole en argile et lorsque le marie n'arrive pas à la casser d'un seul coup de pied, se sauve et les autres jeunes (ses amis en général) courent derrière lui en le battant. » (Loupgris)

« Il y a le rituel du henné ou un jeune enfant met du henné au marié et on doit lui donner des pièces qu’il crache ensuite dans le henné » ( Kamel2bokidane)


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Bibliographie

Jamous R. (1981). Honneur et baraka : les structures sociales traditionnelles dans le Rif ; Maison des Sc. De l’homme : Paris /Cambridge University Press : Cambridge. 305 p.

Source:Arifino.com
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00
Jugurtha, un roi berbère:

Jugurtha, un roi berbère et sa guerre contre Rome
par Mounir Bouchenaki
conservateur en chef au Service des Antiquités, Tipasa (Algérie)
(dans « Les Africains », Tome 4, sous la direction de Charles-André Julien et Magali Morsy, Catherine Coquery-Vidrovitch, Yves Person, Éditions J.A, Paris, 1977.)

La figure de Jugurtha rappelle à tout Africain la lutte d'un chef numide contre la pénétration romaine à la fin du IIe siècle avant l'ère chrétienne. Mais qu'est-ce que l'Afrique pour Rome, à cette période ? S'il est assez facile de parler de Rome à la fin du IIe siècle avant Jésus-Christ, il est beaucoup plus compliqué, en revanche, de fournir des renseignements sur l'Afrique où pourtant Rome avait eu des visées expansionnistes dès le début de cette guerre de cent ans de l'Antiquité, plus connue sous le nom des « trois Guerres puniques ».
Entre la date de 146 avant Jésus-Christ qui marque la fin de Carthage et les différents épisodes de la guerre dite de Jugurtha, entre 111 et 105 avant Jésus-Christ, s'ouvre une nouvelle phase de l'histoire de l'Afrique ou la figure dominante, succédant au célèbre Massinissa, est sans conteste celle de Jugurtha.

Pourtant, et comme pour une grande partie de l'histoire de cette période, les données manquent et si ce n'était l'oeuvre de l'historien latin Salluste [1], connue sous le nom de « Guerre de Jugurtha », nous n'aurions que très peu de choses à en dire. Les sources de notre connaissance du personnage sont en effet très limitées. L'oeuvre maîtresse dans laquelle tous les historiens puisent des renseignements sur Jugurtha reste donc le Bellum Jugurthinum. À côté de cet ouvrage ne subsistent que quelques fragments, notamment dans Diodore de Sicile ou dans l'Histoire romaine de Tite-Live, dans laquelle les événements ayant trait à la guerre de Jugurtha se trouvent réduits à de simples et brèves mentions.

Salluste a écrit la « Guerre de Jugurtha » vers les années 42-40 avant Jésus Christ, alors qu'il était âgé de quarante-six ans environ et qu'il s'était retiré de la vie politique après son dernier poste de proconsul dans la toute dernière province que Rome venait d'annexer : l'Africa Nova [2].

Les limites du nouveau territoire, dont la capitale était soit Zama, soit Cirta Nova Sicca (Le Kef), demeuraient imprécises au sud. Du côté est, la limite suivait la frontière de l'Africa Vetus, le fossé de Scipion ou Fossa Regia, depuis l'Oued-el-Kebir, près de Tabarka, jusqu'à l'entrée de la petite Syrte, à côté de la ville de Thaenae (Henchir Thyna près de Sfax).

Du côté occidental la nouvelle province était bordée par un territoire donné à Sittius, un lieutenant de César. Il semble que la limite entre l'Africa Nova et le territoire de Sittius partait d'un point situé sur la côte entre Hippo Regius (Annaba) et Rusicade (Skikda), passait à l'ouest de Calama (Guelma) et se poursuivait vers le sud-ouest.

Salluste a donc eu à exercer une responsabilité sur ce territoire pendant plus d'un an et demi. Lorsqu'il en parle, à propos de la guerre de Jugurtha, on peut supposer qu'il a une certaine familiarité avec le pays, même si ça et là on note quelques erreurs. Cependant un certain nombre de questions se posent à propos du sujet qu'il a choisi de traiter alors que près de soixante-dix ans s'étaient écoulés depuis la fin de la guerre et qu'il n'a pu, par conséquent, utiliser des témoignages oraux.

L'auteur a-t-il étudié consciencieusement son sujet, a-t-il su et voulu dire la vérité ? Pour répondre, il faudrait savoir où Salluste a puisé ses sources et dans quel esprit il a mis en oeuvre les renseignements qu'il avait recueillis.

En ce qui concerne les sources utilisées, Salluste rapporte lui-même qu'il s'était fait traduire les livres du roi numide Hiempsal écrits en punique [3]. Pour les sources grecques ou latines de Salluste, nous n'avons aucune indication. On suppose seulement qu'il a pu s'inspirer de certains annalistes, tels Sempronius Asellio, d'historiens latins, comme Cornelius Sisenna, ou encore d'historiens grecs, tel le célèbre Posidonius d'Apamée.

Le problème, on le voit, est assez complexe quand il s'agit d'étudier un personnage aussi important à son époque que fut Jugurtha, avec pratiquement une seule et unique source. Il est alors permis de se demander quel degré de confiance l'on peut accorder au récit de Salluste sur les événements au cours desquels s'est illustré Jugurtha.

Jugurtha, petit-fils de Massinissa

Salluste entreprend son récit, comme dans une pièce dramatique, en nous présentant les personnages et les protagonistes du drame qui va se jouer en grande partie sur la terre africaine. Il met l'accent, dès le départ, sur le problème fondamental qui est, à ses yeux, la trahison du parti de la noblesse à Rome, qui n'a que « mépris pour la vertu et la chose publique ». Avant d'en arriver au personnage qui s'opposera à Rome, entre 118 et 105 avant Jésus-Christ, Salluste fait un bref rappel de la situation antérieure :

« J'entreprends d'écrire l'histoire de la guerre que le peuple romain a faite à Jugurtha, roi des Numides. D'abord, parce qu'elle a été cruelle, sanglante, marquée par bien des vicissitudes. Ensuite parce qu'elle est devenue le point de départ de la lutte contre la tyrannie des nobles, lutte qui a bouleversé toutes choses divines et humaines et mis un tel délire dans les esprits que seuls la guerre et le ravage de toute l'Italie ont pu mettre fin à ces fureurs civiles. Mais avant d'en aborder le récit, je résumerai en quelques mots les faits antérieurs pour rendre cette histoire plus claire.

Lors de la seconde Guerre punique, dans laquelle le chef des Carthaginois, Hannibal, avait porté à l'Italie le plus rude des coups qu'elle avait eu à subir depuis l'établissement de la puissance romaine, Massinissa, roi des Numides, admis à notre alliance par Publius Scipion que ses exploits avaient fait surnommer l'Africain, s'était signalé par des faits d'armes multiples et brillants. Le peuple romain l'en récompensa après la défaite des Carthaginois et la capture de Syphax, souverain d'un vaste et puissant empire africain, en lui faisant don de toutes les villes et de toutes les terres qu'il avait conquises. Aussi Massinissa nous garda-t-il toujours une amitié fidèle et indéfectible. Mais son règne finit avec sa vie. Son fils Micipsa fut seul à lui succéder, la maladie ayant emporté ses frères Mastanabal et Gulussa. Micipsa fut père d'Adherbal et de Hiempsal. Il recueillit dans son palais le fils de son frère Mastanabal, Jugurtha, laissé par Massinissa dans une condition inférieure parce qu'il était né d'une concubine, et lui donna la même éducation qu'à ses propres enfants. » (Bellum Jugurthinum, V).

En aidant à la reconstitution du grand royaume de Numidie (fig. 2), Scipion l'Africain désirait non seulement récompenser Massinissa pour l'aide qu'il avait apportée à Rome dans sa lutte contre Carthage, mais encore l'entraîner dans une situation de vassalité qu'il lui aurait été difficile de secouer. Massinissa termine sa vie [4] par une sorte d'aveu d'impuissance puisqu'en 148 il fait appeler, pour régler sa succession, le petit-fils adoptif de Scipion l'Africain qui conduit le siège devant Carthage.

Les attributions royales furent partagées entre ses trois fils légitimes : Micipsa reçut l'administration du royaume, Gulussa l'armée, et Mastanabal la justice. Notons à ce sujet qu'une stèle punique datant de 148, découverte à Constantine, dans le quartier d'EI-Hofra, mentionne les trois rois sans différence dans les prérogatives.

Gulussa et Mastanabal moururent peu de temps après leur père et Micipsa resta seul roi (en libyque, on disait aguellid). Son long règne (148-118) ne fut pas marqué par d'importants événements. À l'égard de Rome, il se conduisit en fidèle allié, mettant à sa disposition une aide humaine et matérielle chaque fois qu'elle était demandée, notamment en Espagne contre Viriathe et les Lusitaniens et durant le siège de Numance par Scipion Émilien en 134. Il ne posait donc aucun problème aux Romains qui s'étaient installés, après la destruction de Carthage en 146, sur le territoire de l'ancienne puissance voisine de la Numidie (voir carte).

Il semble même avoir facilité l'implantation de commerçants, mais aussi de trafiquants romains à Cirta (Constantine) et dans la Numidie. À la fin de sa vie, et comme lors de la succession de Massinissa, probablement sous l'influence romaine, il a dû penser à celui qui prendrait la relève et assumerait le pouvoir, tout en restant en bons termes avec les Romains qui administraient la province Africa [5].
 Micipsa avait deux fils légitimes, Adherbal et Hiempsal, à qui il aurait souhaité réserver la succession tout entière, écartant ainsi les autres prétendants de la famille de Massinissa (voir le tableau généalogique de la dynastie massyle de Numidie). Mais il dut prendre une autre décision.

Son frère Mastanabal avait eu également deux enfants, Gauda, né d'une épouse légitime, et Jugurtha, issu d'une concubine et normalement « non qualifié pour accéder au trône ». Gauda ne semble avoir été retenu qu'en seconde position pour la succession car « c'était, selon Saluste, un homme rongé de maladies qui avaient quelque peu diminué son intelligence » [6]. Il n'en régna pas moins à partir de 105 avant Jésus-Christ.
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00
La Guerre de Tacfarinas:



































La Guerre de Tacfarinas (ou Tikfarin selon d'autres sources) dura sept ans. Sept ans également furent nécessaires avant que les armées romaines ne vinrent à bout de Yughurthen. Une autre guerre récente, dura elle aussi sept ans et s'acheva par l'indépendance de notre pays : la guerre de libération nationale.


Simple coïncidence ? Ou est-ce que le chiffre sept signifierait quelque chose dans notre inconscient ? Une autre constante que l'on rencontre dans notre histoire : c'est la désunion qui se traduit souvent par de la trahison : Massinissa opposé à son cousin Syphax; Micipsa qui fait assassiner ses frères pour gouverner seul ; Yughurthen abandonné par ses fidèles et livré aux Romains par son propre beau-père ; Faraxen, Firmus, Gildon ; puis plus tard, la Kahina qui, tout en s'opposant à la conquête musulmane, fait convertir ses enfants à l'islam afin de garder le pouvoir au sein da sa propre famille...

Hélas, des exemples semblables fourmillent dans notre très longue histoire !

Ainsi, à l'instar de Yughurthen, Tikfarin, malgré son courage, son audace et son intelligence, ne parviendra pas à triompher de l'ennemi. Les Romains grâce à l'aide de chefs locaux et notamment à l'alliance obtenue avec un roi amazigh, ils triomphent de Tikfarin et élargissent une fois de plus leur domaine en Afrique.

Plutôt que de tenter une analyse, même succincte de la guerre de Tacfarinas, nous allons citer tout simplement trois historiens : l'un est Romain qui, s'inspirant de son illustre prédécesseur Salluste (où il le " singe " presque en tout), va se servir de cet événement pour " aiguiser " son genre littéraire " Les Annales " où il est le premier à nous relater cette guerre; les deux autres sont des historiens de renom même si l'un fut contesté à un moment (Ch.-A. Julien) par de soi-disant nationalistes jaloux et imbus d'un vernis de savoir.

Mais tous deux, comme tant d'autres, utiliseront d'abord Tacite avant de broder alentour comme cela fut le cas avec Salluste et sa " Guerre de Jugurtha ".

Par Ammar NEGADI

" La Guerre de Tacfarinas "
Extrait de : " Les Annales " (livre II - IV)
par Tacite (Historien latin , 55 / 120)
 
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00
Micipsa (148 - 118 av.J.C) :

L'un des trois fils de Massinissa, né en 198 av.J.C. Il succède à son père en 148 av.J.C. Son règne connaît une croissance remarquable dans différents domaines commercial, économique ainsi que militaire et urbain. Il meurt en 118 av.J.C, laissant un royaume puissant et vaste à ses deux fils Hiempsal et Adherbal ainsi que son neveu Jugurtha, dont il était le tuteur et qui montrait des ambitions quant au règne de son grand-père.
 
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00
Juba II:

Roi de Mauritanie, né vers 52 av. J.C., mort vers 23/24 ap. J.C., à l'origine du nom Euphorbe, en référence à son médecin grec, Euphorbos (nom conservé et validé par Linné en 1753).
Son père, Juba 1er, s'allie à Pompée contre César et se suicide avec ses alliers romains, Scipion et Caton après la défaite de Thapsus en 46 avant J.C. Emmené à Rome, le futur Juba II est élevé à la cour d'Auguste et épouse Cléopâtre Séléné, la fille d'Antoine et Cléopâtre.
En 25 avant J.C., il reprend, avec l'accord d'Auguste, la couronne de Mauritanie (qui ne se confond pas avec l'actuelle Mauritanie, mais est plus proche de l'actuel Maghreb). Roi éclairé et cultivé, il développe l'activité économique, les échanges commerciaux et culturels, les explorations lointaines, les arts et les sciences.
Il fait notamment explorer les Iles Canaries et Pline lui attribue la découverte de l'île de Madère. Il fait venir des artistes et scientifiques grecs et on lui attribue l'écriture de nombreux manuscrits (dont une "Description de la Libye") qui, tous, ont été perdus. C'est dans un de ces manuscrits qu'aurait été pour la première fois donné le nom d'Euphorbe, signifiant également en grec "bien nourri", à une plante grasse aux propriétés laxatives qui devait être Euphorbia resinifera
Le Royaume de Mauritanie ne survit que quelques années à sa mort car son fils Ptolémée est assassiné par Caligula en 40 après J.C. et son territoire est annexé comme province romaine.
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00
Juba I:

Né vers 85, mort à Thapsus, avr. 46 av. J.-C., roi de Numidie (vers 50/46 av. J.-C.). Fils et successeur de Hiempsal il embrassa le parti de Pompée durant la guerre civile et battit Scribonius Curio, légat de César (49). Vaincu à son tour avec Q. Metellus Scipion à la bataille de Thapsus, il se fit donner la mort par un de ses esclaves et son royaume fut compris dans la province romaine d'Africa nova.
 
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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00
  L'Histoire d'une grande reine amazighe:


Jamais sans doute un personnage historique n'a fait l'objet de tant d'interprétations. La reine Dihya est en effet plus qu'une reine au comportement exemplaire et héroïque. Elle est un symbole de résistance, et habite l'imaginaire des Imazighen. Son nom n'est même pas bien établi : elle s'appelait peut-être Dahya, Damya ou Kahia.

Bien des interprétations la concernant ne sont pas sans arrière-pensées idéologiques. Pour les Occidentaux, il s'agit d'une reine mythique, comme s'il fallait minimiser son combat. On la dit chrétienne dans le même but, comme si elle présageait de la domination coloniale, alors qu'elle fut au contraire l'exemple du refus de la soumission. Les historiens arabes la surnommèrent Kahina, ce qui veut dire la prophétesse, au sens noble, mais aussi péjorativement la devineresse, la sorcière pour certains. Certains la déclarèrent de religion juive pour montrer qu'elle était une ennemie de la foi musulmane, ce qu'elle fut effectivement, mais certainement pas en termes religieux. Quant aux juifs, ils l'admirèrent, faisant un parallèle avec Déborah, la princesse mythique qui réveille le peuple(1). Les Imazighen eux-mêmes ont sans doute exagéré le personnage, puisqu'on lui prête parfois l'âge, de toute évidence très exagéré, de 127 ans à sa mort !


Dans cette page nous avons voulu avant tout faire la part de la réalité historique si difficile soit-elle à connaître et les légendes. Dihya est effectivement un exemple de courage hors du commun. Chef politique hors pair, elle était aussi une femme qui su protéger ses enfants.


Le nom de DIHYA ou KAHINA
Dihya, Dhaya ou Damya ? Les sources divergent et on ne connait pas son vrai nom. Si on retient Damya, ce prénom vient sans doute du verbe edmy en tamazigh, qui signifie devineresse. En Chaouias Tacheldit, Dihya signifie "la belle". On a souvent appelé la reine Dihya Tadmut ou Dihya Tadmayt. Tadmut/Tadmayt signifie gazelle. Les imazighen avaient coutume de prendre comme prénoms, des noms animaux. Dyhia Tadmut pourrait signifier tout simplement "La belle gazelle".
En ce qui concerne le surnom de Kahina, il est manifestement arabe. Cependant, si certains historiens arabes et juifs la décrivent comme un personnage haïssable, il n'est pas certain qu'il soit péjoratif. Kahina a été souvent interprété comme signifiant sorcière. La réalité est différente. A, l'origine, le terme, qui donne aussi les prénoms féminins Karine et Karina, signifie en grec "être pure". De là en Hébreu, la dérivation Cahen, Cohen, qui signifie prêtre ou prêtresse, donc homme ou femme pur et le prénom français Corinne qui signifie femme pure. On sait qu'en Afrique du Nord, toutes les prêtresses subissaient un rituel de purification, qui semble être une tradition d'origine animiste. En arabe, le dérivatif Taher, qui vient de Kahin, a le même sens. Ce surnom s'appliquait aux prophètes et poètes avant l’islam et il n'est pas péjoratif. Il n'est pas étonnant que Dihya se soient vu donner à la fois les qualités de Reine et de Prêtresse. Les anciens Aghellid, c'est à dire les rois, avaient aussi un pouvoir spirituel.

Les origines de Dihya.
On ne sait presque rien de son origine. Nous ignorons sa date de naissance. Ce qui est certain, c'est qu'elle originaire de la tribu Djawara ou Jeroua donc une tribu Zénata, dont le mode de vie était pastoral et semi-nomade.
Elle est peut-être la fille de Mélag, Roi des Aurès. Selon Ibn Khaldoun, elle serait une Zénata de la branche Madaghis (ou Badaghis). Sa généalogie serait la suivante : Louwa le Grand ---> Nefzawa ---> Banou Yattofene --> Walhassa --->Dihya.
Ces hypothèses contradictoires ont au moins deux points communs. La reine Dihya était une noble et elle était originaire de l'Aurès, sans doute descendante d'une très ancienne lignée amazighe. Ceci explique comment elle parvint à la royauté. Il semble que son pouvoir lui fut donné par un conseil de tribus, ce qui était courant à l'époque. Grâce à son intelligence remarquable, elle organisa une confédération, regroupement de tribus, ce qui était courant face à un péril grave. La légende dit aussi qu'elle aurait été d'une beauté éblouissante. Ce genre de description, basé sur l'admiration, doit être pris avec circonspection. Il est courant de magnifier un personnage important, et à plus forte raison une femme, par la beauté. On sait que c'est à un âge avancé qu'elle est amenée à lutter contre les musulmans. Elle était sans doute âgée au moins de quarante ans (plus probablement cinquante ou soixante ans, on ne sait).


La religion de Dihya
On ne sait pas précisément sa religion. Peut-être fut-elle chrétienne ou juive, mais elle a pu être également animiste. Ce point est très controversé. Nous donnons ici quelques éléments de discussion. C'est Ibn Khaldoun qui émet l'hypothèse qu'elle était juive. Mais on peut raisonnablement penser qu'elle était animiste :

L'histoire des juifs d'Afrique du Nord est relativement bien connue à cette époque. Les communautés étaient très restreintes. Elles étaient acceptées, mais on ne voit pas comment une reine juive auraient pu avoir le pouvoir. Il n'y a jamais eu de rois ou de reines juifs dans les Aurès d'après les documents historiques. Par ailleurs l'invasion musulmane fut accompagnée de l'implantation de juifs, qui assumaient les métiers interdits aux musulmans : banquiers, certains métiers du commerce, et surtout forgerons. Ces métiers étaient absolument indispensables à l'armée musulmane, et à l'administration des territoires conquis. L'Islam, à cette époque, les protégeait. Si Dihya avait été juive on ne voit pas pourquoi elle aurait combattu les musulmans. Ce n'est pas pour rien que les historiens juifs l'ignorent ou, au contraire, la décrivent comme une redoutable ennemie. Il nous semble plus logique de penser que lorsque Ibn Khaldoun la dit juive, il veut tout simplement dire qu'elle appartenait à une religion existant avant l'Islam. On a qualifié à tort la reine touarègue Ti Hinan de chrétienne de la même manière. La découverte de son tombeau a montré que cette reine était animiste. Quelque soit la rigueur d'Ibn Khaldoun, on peut penser qu'il n'avait pas les moyens de déterminer exactement, plusieurs siècles après, la religion de Dihya.

Prétendre qu'elle fut chrétienne se heurte à d'autres difficultés. A cette époque, le christianisme s'était effondré depuis longtemps en Afrique du Nord. Le seul royaume chrétien restant était celui des Djeddars, dont on ne sait pas grand chose sinon que les Byzantins cherchèrent sans succès à s'en faire un allié. Les Byzantins tentèrent d'imposer un christianisme d'état, ce qui provoqua une guerre entre eux et les Imazighen qui dura plusieurs siècles. Or, les Imazighen laissent au départ musulmans et byzantins s'entretuer. Si elle avait été chrétienne, Dihya se serait probablement alliée au Byzantins, d'autant que la révolte de Koceilia contre les musulmans, quelques dizaines d'années auparavant, devait encore être dans toutes les mémoires.

On a affirmé aussi que Dihya était adoratrice de Gurzil, une divinité amazighe représentée par un taureau. Si le culte du Taureau, symbole de virilité et de puissance, est connu en Afrique du Nord dans l'Antiquité, aucun élément historique ne prouve que Dihya en fut une prêtresse.

On peut donc penser que Dihya était très probablement animiste, mais sans que l'on connaisse vraiment le culte auquel elle appartenait. Cependant, faute de preuves archéologiques, nous nous garderons bien de nous avancer plus. Selon la légende, elle vivait dans un somptueux palais. A plusieurs reprises, on a pensé l'avoir trouvé, mais apparemment sans succès pour l'instant.


Eléments historiques
Voici ce qui généralement est admis par les historiens de l'histoire de Dihya:
A son époque, une guerre oppose les musulmans, dirigés par Hassan d'Ibn en Nu'man, les chrétiens byzantins, qui tentent de préserver leurs possessions dans cette région, et les Imazighen, habitants des lieux. Ces derniers sont d'abord divisés sur la conduite à tenir. La Reine Dihya parvient à les rassembler, par son pouvoir de conviction et sa grande intelligence pour lutter contre l'invasion musulmane. Le résultat ne se fait pas attendre, puisqu'en 697, sous son commandement, ils écrasent l'armée d'Ibn en Nu'man. Celui-ci doit livrer bataille près de l'Oued Nini, à 16 km d'Aïn al Bayda. Les troupes imazighen font tant de victimes que les Arabes appelèrent le lieu "Nahr Al Bala", ce qui se traduit par "la rivière des souffrances". On dit que la rivière était rouge du sang des combattants arabes. Après cette victoire les Imazighen poursuivent les musulmans, et les obligent à se réfugier dans la place forte de Gabès. Le calife Malik rappelle alors ses troupes en Tripolitaine (l'actuel nord de la Libye).
Ibn Khadoun donne dans sa version des détails étranges sur cette première bataille. Il prétend notamment que les Imazighen auraient posséder des chameaux de combat. Si cela a été le cas, ceci signifie qu'ils étaient alliés à une tribu saharienne, ce qui n'est pas établi. Si de telles alliances sont connues lors de la lutte contre les byzantins, dans les siècles précédents, elles ne sont pas établies lors de l'invasion musulmane. Il indique également que les Imazighen auraient capturé quarante musulmans et les auraient laissé rejoindre leur camps, à l'exception de Khaled, que la reine aurait décidé d'adopter. Ce récit lyrique très beau, reste lui aussi sujet à caution. On ne comprend pas pourquoi les Imazighen n'auraient pas gardé les musulmans en otage, pratique courante à l'époque.

Après cette défaite cuisante, les musulmans décident de concentrer leur effort de guerre contre les chrétiens byzantins. En 695, les Byzantins reprennent Carthage aux musulmans. Ils y restent seulement trois ans, avant d'en être définitivement chassés en 698. La même année, Ibn en Nu'man fonde Tunis. En fait, les Byzantins sont obligés de lâcher prise, préoccupés par des tensions au nord de leur empire. La montée en puissance des royaumes chrétiens européens constituent en effet une menace pour eux encore plus grave que l'invasion musulmane.
Le royaume de Dihya reste alors le seul obstacle contre la progression des musulmans à l'ouest et Hassan Ibn en Nu'man reprend l'offensive contre les Imazighen. Conscient de la forte résistance qu'il va rencontrer, il entreprend une conquête systématique du pays. Possédant Carthage et la nouvelle ville de Tunis, il dispose enfin de solides bases arrières. Dihya se trouve alors forcée d'appliquer une politique de terres brûlées. Devant eux, les musulmans ne trouvent qu'un pays détruit. Une partie de la population n'apprécie pas cette politique, encore que ceci ne soit pas historiquement prouvé. Ibn Al Nu'man en tire partie : il obtient des renforts du calife Abd al-Malik en 702. Son armée compte alors probablement plus de 50 000 combattants. Face à une telle force, Dihya n'avait d'autre choix que cette politique désespérée.
Après deux ans de guerre, la bataille finale a lieu en 704, à Tabarqa. Dihya envoie auparavant ses deux fils rejoindre le camp musulman, afin de préserver les intérêts de sa famille. Ceci signifie que, loin de se renier, elle se place au contraire comme un chef de guerre, qui privilégie son combat et se libère ainsi de toute attache familiale. Il est probable qu'elle savait son combat perdu mais loin de plier, elle accepte la mort avec un courage qui force l'admiration.
La bataille de Tabarqa est finalement gagnée par les musulmans, mais ce n'est pas victoire facile pour eux. Les Imazighen, bien que très inférieurs en nombre, opposent une farouche résistance. Ibn Khadoun décrit le combat comme particulièrement âpre et dit que les musulmans bénéficièrent "d'une intervention spéciale de Dieu". Ceci signifie que les Imazighen livrèrent sans doute un combat terrible, qui mis à mal les troupes musulmanes. Finalement, la reine Dihya est capturée et décapitée au lieu-dit Bïr El K?hina (Le puits de la Kahina). Sa tête est envoyée au calife Malik selon certains, jetée dans le puits selon d'autres(2).
Hassan Ibn en N'uman fait preuve d'un grand respect pour le peuple amazigh après sa victoire. Il ne fait pas de prisonniers et ne commet aucun pillage. Sa grande tolérance en fait d'ailleurs l'un des artisans de l'islamisation des Imazighen.


Les fils de Dihya
Les deux fils de Dihya (Ifran et Yezdia) avaient rejoint le camp musulman avant la bataille. Certains auteurs ont vu là une trahison de leur part. C'est à notre avis une erreur, puisqu'il est clairement établi qu'ils rejoignirent le camp adverse sur ordre de Dihya, et qu'ils ne participèrent pas à la bataille de Tabarqa. Ils ne se convertirent à l'Islam et n'obtinrent un commandement militaire qu'ensuite, lorsque Hassan Ibn en N'uman se décida à conquérir le Maroc.
Selon certains auteurs, Dihya avait également un fils adoptif du nom de Khaled, un jeune arabe fait prisonnier lors de la bataille de l'Oued Nini, qu'elle aurait adopté. Même si on ne peut totalement exclure cette adoption, cette thèse nous semble douteuse, et la description qu'en donne Ibn Khaldoun sujette à caution. Il a en effet affirmé qu'elle partagea le lait de son sein entre Khaled et ses deux enfants légitimes, ce qui semble impossible pour une femme âgée. Mais il se pourrait qu'il décrive une cérémonie d'adoption qui était alors en vigueur, ou la femme montrait son sein au fils adopté.

Conclusion.
Longtemps encore, Dihya et ses fils susciteront des légendes. Ceci est sans doute dû autant à sa détermination de femme, insoumise jusqu'au sacrifice d'elle-même qu'à la protection qu'elle donna jusqu'au bout à ses fils, en mère exemplaire. Symbole des femmes imazighen, elle est aussi le symbole de toute une culture, à l'égal de Massinissa et de Jugurtha

Source


Quelques references sur le personnage de la fameuse reine:

Aouner, D, "El Kahina", progrès (Alger), no 5, février 1954.
Bataille, R et J, "L'Epopée berbère, El Kahina", Bruxelles, édit. de Belgique.
Beauguitte, G, "La Kahina, reine des Aurès", Paris, édit. des Auteurs, 1959.
Benabdessadok, C, "El Kahina reine des Aurès", El Djazairia (Alger), no 73, 1979
Benichou-Aboulker, B, "La Kahéna, reine berbère", Alger, Soubiron, 1933.
Boisnard, Magali, "Le roman de la Kahéna, d'apres les anciens textes arabes" Paris, édition d'art, H. Piazza, 1925
Boulanger, J, "Une reine berbère", Bulletin de la Société de Géographie d'Alger, no 91, 4e trimestre. 1922.
Cardinal, P, "La Kahéna", Paris, Julliard, 1975.
Castano, J, "La Princesse berbère (La Kahéna)", Montpellier, Imp. Dehan, 1984.
Dejeux, Jean, "Femmes d'Algérie. Légendes, Traditions, Histoire, Littérature", La Boîte à Documents, 1987.
Djelloul, A, "Al Kahena", Paris Debresse, 1957.
Dufourcq, Ch-E, "Kahina ou divine Damnienne?", l'Algérianiste, no 13, 15 mars 1981; "La coexistance des chrétiens et des musulmans dans Al-Andalus et dans le Maghreb au Xe siecle", in Occident et Orient, Paris, Société des Belles Lettres, 1979; "Berbérie et Ibérie médiévale; un problème de rupture" Revue historique, t CCXI, 1968.
Grandjean, G, "La Kahéna, par l'or, par le fer, par le sang", Paris, édit. du Monde moderne, 1926.
Guiramand, S, "Kahéna", Tunis, MTE, 1977.
Hilaire, J, "La Kahéna", Rouen, H. Defontaines, 1918.
Ikor, Roger, "La Kahina", Paris : Encre, 1979.
Kateb, Yacine, "La Kahina", Dérives (Montréal), no 31-32, 1982.
Magdinier, M, "La Kahéna", Paris, Calmann-Lévy, 1953.
Ouadih, M, "Bir al-Kahina", Alger, SNED, 1973
Roth, N., "The Kahina: Legendary material in the accounts of the 'Jewish Berber Queen'", The Maghreb Review, Vol 7. 5-6, 1982
Roudie, E., "La Kahéna", Paris, Libr. théatrale, 1923.
Slousch, N, "La race d'El-Cahina (les nomades juifs)", La Revue Indigène, no 44, décembre 1909; Judéo-Héllènes et Judéo-Berbères, Paris 1909.
Stora-Sudaka, H, "Premières immigrations juives en Berbérie. Une Debora berbère: La Kahéna", Société des Conférences juives d'Alger, Bulletin no 3, 1928-1929.
Talbi, M, "Un nouveau fragment de l'histoire de l'Occident musulman (62-196/682-812): l'épopée d'al-Kahina", Les Cahiers de Tunisie, t XIX, 1er et 2e trim. 1971 et Encyclopédie de l'Islam nouvelle édition t IV: Kahina.
Une Jeanne d'Arc africaine, Épisode de l'invasion des arabes en Afrique: La Kahina", Paris, J. André, sd.




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13 septembre 2005 2 13 /09 /septembre /2005 00:00

Portrait de Tin-Hinan

Tin-Hinan, c'est avant tout un mythe auquel s'accroche, depuis toujours, la mémoire touarègue. La tradition rapporte la venue au Maroc, à une époque immémoriale, d'une jeune femme noble, Tin-Hinan, et de sa servante, Takama. Le pays était à peu près vide, seuls quelques idolâtres, les Isebetten, vivaient sur les monts de l'Atakor.
Tin-Hinan les soumit et devint la reine du Hoggar. Elle eut trois filles : Tenert («l'antilope»), Temerwelt («la hase») et Tahenkod («la gazelle»), desquelles devaient descendre les suzerains du Hoggar. Selon une autre version, Tin-Hinan n'est qu'une fille, kella, mère de toutes les tribus nobles, Takama, elle, engendra deux filles, ancêtres des clans tributaires. Tin-Hinan, c'est aussi un monument qui se dresse sur une colline, au-dessus de confluent des oueds Tifirt et Abalessa, au lieu dit Tafarit. Avant les travaux de déblaiement, il se présentait sous la forme d'un immense tumulus.

En 1925, la mission archéologique franco-américaine, dirigée par Maurice Reygasse et le comte Byron Prorok, mit au jour les structures internes. Dans une fosse recouverte par de lourdes dalles, on découvrit les restes d'une femme et des bijoux de toutes sortes, en or, en argent et en métal. Le monument remonterait, si on croit la datation au carbone 14 d'un fragment du mobilier funéraire, au VIe siècle de l'ère chrétienne. Les squelettes et les objets devaient être déposés au musée d'Alger.

Mais le comte proto s'arrangea pour obtenir l'autorisation de les transférer aux Etats-Unis. Ce détournement provoqua un grand émoi dans les milieux diplomatiques, le squelette revint à Alger. On ne sait si le squelette d'Abalessa est vraiment celui de Tin-Hinan, l'ancêtre des Touaregs. L'étude des restes, ainsi que les bijoux dont il est paré, montre qu'il s'agit bien d'une femme : elle mesurait entre 1,72 et 1,75m et était probablement âgée, à sa mort, d'une quarantaine d'années.

L'analyse de la colonne vertébrale a révélé, par ailleurs, une déformation des vertèbres lombaires et du sacrum. Le personnage devait donc boiter. Ibn Khaldoun nous apprend dans l'Histoire des Berbères que l'ancêtre des Houara, auxquels sont apparentés les Touaregs, s'appelait Tiski la Boiteuse. Les deux personnages ne font peut-être qu'un. Tin-Hinan, en touareg «celle des tentes», est le sobriquet et non le nom de la reine du Hoggar.


Le Matin.ma
 
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13 septembre 2005 2 13 /09 /septembre /2005 00:00

Bijoux du Maroc 

Édisud mars 2000,
53.36 euros


Auteurs : Marie-Rose Rabaté et André Goldenberg. ISBN : 2744900818 (2e volume)

« Après le premier volume consacré aux bijoux berbères, ce volume étudie l’orfèvrerie des villes, marquée par la suprématie de l’or, qui a engendré de longue date une orfèvrerie aussi originale que somptueuse. Magnifiquement illustré, le livre entraîne tous les amoureux du Maroc à la découverte des bijoux, des femmes qui les portent, des métiers qui s’y rattachent ».(présentation de l'éditeur)

« La nécessité d’orner son corps semble dès lors s’être accompagnée de la volonté de se protéger en essayant d’assimiler la vertu dominante de l’objet choisi : la résistance de la pierre, la brillance et l’éclat de la coquille, le pouvoir incisif de la dent ou de l’arête… Aujourd’hui encore, le souci prophylactique, plus ou moins conscient, demeure sous-jacent à l’usage du bijou. Progressivement, la mise en œuvre de matériaux nouveaux s’accompagna de recherches artistiques et techniques qui jalonnent pour nous les étapes des différentes cultures, aux différentes époques. Pour exister, aux yeux d’autrui comme aux siens propres, se protéger des influences de l’invisible, la parure est apparue comme une panacée; parmi les diverses solutions trouvées à travers l’espace à ce besoin universel, aucune ne saurait être plus exemplaire que celles que nous présente le beau travail de Jacques et Marie-Rose Rabaté consacré aux Bijoux du Maroc. » (extrait d'un article d'Azzouz Tnifass, le Temps du Maroc).

« Avec près de 1000 illustrations, les deux volumes de Bijoux du Maroc proposent un panorama aussi vaste que précis d'une orfèvrerie souvent peu connue, dont les multiples particularités ne peuvent qu'éveiller la curiosité. Car l'orfèvrerie du Maroc ne se réduit pas aux seuls bijoux berbères, présents dans l'ensemble du pays, et que le volume I (1996) étudie en détail au sud du Haut Atlas. On les retrouve entre Haut Atlas et Méditerranée, mais ils s'y juxtaposent aux bijoux citadins, fondamentalement distincts et très injustement méconnus. Le volume II présente les aspects historiques et techniques de cette orfèvrerie traditionnelle, en décrit la genèse et les développements et apporte un éclairage tout à fait inattendu sur la valeur symbolique des parures. Les collectionneurs, quant à eux, se réjouiront de disposer, avec l'étude des poinçons et estampilles, d'un précieux instrument d'identification. La très riche iconographie des bijoux somptueux d'autrefois témoigne de l'inventivité et du savoir-faire des artisans juifs qui, jusqu'au milieu de ce siècle, eurent le quasi-monopole de leur réalisation. Bon nombre de ces purs chefs-d'oeuvre sont dévoilés pour la première fois par leurs propriétaires. Ouvrage d'art et de référence, Bijoux du Maroc propose donc une passionnante découverte culturelle, source d'une émotion esthétique toujours renouvelée. » (quatrième de couverture).

source: http://www.bibliomonde.com/pages/fiche-livre.php3?id_ouvrage=144

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